Multitâches ou couteaux suisses, nous enseignons en classe les arts visuels comme les mathématiques, l'EPS comme l'Histoire... Les professeurs parisiens sont des petits chanceux qui ont dans leurs écoles une spécialiste des arts visuels pour leurs élèves !


Bonjour, peux-tu te présenter ?  

Cécile Rousset, P.V.P. arts visuels depuis douze ans, dont dix dans deux écoles élémentaires REP aux portes de Paris, dans le nord-est parisien. Depuis l'année dernière je travaille dans trois écoles plus centrales (10ème, 19ème et un institut médico-éducatif dans le 11ème.)

C’est quoi un PVP Arts visuels (quand on n'habite pas Paris.. ) ?

C'est un « professeur d'arts visuels de la ville de Paris ». A Paris, les enfants ont la chance d'avoir un enseignant spécialisé pour les arts visuels, l'éducation musicale et l'éducation physique et sportive. Ces professeurs prennent en charge chaque classe de l'école une heure par semaine pour la matière en question, dans une salle dédiée si l'école en a une. Nous travaillons donc avec tous les élèves de l'école, et tous les enseignants.

Quelle formation as-tu suivie et comment fait-on pour arriver à ce métier de rêve ?

J'ai fait des études artistiques (l'école Olivier de Serres puis l'école des arts décoratifs de Paris), pendant lesquelles je me suis spécialisée dans le cinéma d'animation.
Après mon diplôme, j'avais envie d'un métier moins solitaire que ceux qui découlaient directement de ma formation (graphiste, artiste, réalisatrice...) et j'ai fait quelques missions de médiation artistique avec des écoles pour le festival d'Automne. J'emmenais les classes voir des expositions et j'organisais des rencontres entre les enfants pour qu'ils présentent ce qu'ils avaient vu au musée. J'ai donc mis le pied dans les écoles et découvert que ce métier de rêve existait (je n'avais pas grandi à Paris, je ne connaissais pas les PVP, pour moi enseigner les arts plastiques c'était forcément au collège/lycée, et j'avais des souvenirs déprimants de profs d'arts plastiques complètement débordés au collège/lycée) et j'ai décidé de passer le concours (un concours organisé par la mairie de Paris qui a lieu tous les deux ans environ).
Je me suis préparée et je l'ai eu. J'ai commencé à la rentrée suivante, directement dans les classes, on avait 13h de cours et 6h de formation par semaine la première année.  

Si tu devais résumer ce que tu essaies de transmettre aux élèves, ce serait… ?

J'ai mis beaucoup de temps avant de faire le tri mais maintenant j'ai l'impression que mes priorités sont très simples : que les élèves prennent du plaisir à fabriquer (des images, des constructions, des projets...), qu'ils prennent confiance en eux, en leurs idées et en leur savoir-faire, qu'ils apprennent à observer et représenter le monde.

As-tu un déroulement type d’une séance d’arts visuels ?

Pas vraiment. Ça change beaucoup selon les âges et les projets. Pour les petits ce sont plutôt des séances d'une heure avec beaucoup d'expérimentation, de manipulation. Pour les plus grands ça peut être des projets qui s'étalent sur plusieurs séances, voire une période, avec des phases de recherches, des moments de travail en groupe...
J'essaie de consacrer le plus de temps possible à la pratique, ça me semble le plus important, donc sur une séance d'une heure (cinquante minutes en vrai parce qu'il y a les récrés) il y a un petit temps de présentation/discussion/consignes, puis un long moment de pratique avec des petites pauses où on observe les avancées/différentes idées des uns et des autres. Idéalement il faudrait garder une petite phase en fin de séance pour discuter de la séances, des découvertes... mais souvent cette phase là passe à la trappe. Du coup j'essaie de reparler de ça en début de la séance suivante. Pour gagner du temps sur ce qui peut être très chronophage (l'installation du matériel, le ramassage des travaux, le nettoyage de la classe), j'essaie de responsabiliser les élèves pour qu'ils prennent des habitudes de rangement et soient autonomes dans l'espace de la salle d'arts visuels (quand il y en a une).

Comment organises-tu ta progression ? Par projets, par matériau, par style, par .. ?

Un peu de tout ça !
J'essaie d'organiser mes cours de manière à ce que, sur les cinq ans, mais aussi sur une année, les enfants touchent un peu à tout (supports, formats, matériaux) et qu'en montant de niveau ils aillent chaque fois un peu plus loin dans les découvertes, la finesse de la manipulation des outils, les formulations de leurs choix, la complexité des consignes. Chaque année, j'essaie de mener au moins un grand projet par classe en lien avec leur P.E pour que la matière ne soit pas isolée mais intégrée au travail de leur classe.

Comment travailles tu avec les professeurs des écoles ?

Assez naturellement. En début d'année, je propose pour chaque niveau une programmation ouverte, en demandant aux enseignants de me parler de leurs projets de classe (en littérature, en sciences, en histoire, en histoire des arts...) pour qu'éventuellement nous mettions en place des projets communs. J'essaie aussi de me caler sur leur rythme pour certaines séances qui résonnent avec les programmes d'histoire par exemple (en CE2, on travaille sur les peintures rupestres, l'invention de l'écriture, les poteries gauloises...). J'aime bien ces moments ou les enfants découvrent qu'il y a un rapport entre ce que nous faisons ensemble et ce qu'ils ont vu/appris en classe.  

Tu mènes des projets parfois ?

Assez souvent, mais pas trop quand même, sinon on se laisse déborder ! J'essaie d'avoir au moins un projet par classe et par année qui aboutit sur un objet que les enfants peuvent garder (film d'animation, petit livre illustré, construction). J'aime bien aussi quand il y a un projet qui couvre l'école (grande fresque dans la cour, décoration du jardin partagé du quartier, dessins de jeux sur le sol de la cour, réalisation de jeux de société pour la pause du midi...), que tous les âges se retrouvent autour d'un même projet qui fera ensuite partie de leur quotidien.

Quel est ton usage du numérique en arts visuels ?

Très très réduit ! Je n'ai jamais eu de salle équipée, et ma vision de la matière ne privilégie pas tellement l'écran mais plutôt le geste plastique/graphique. Les enfants utilisent des appareils numériques pour prendre en photo leurs images ou créations en volume, et en général je demande aux PE de prendre en charge la suite (travail de recadrage, retouche, mise en forme texte et image). Ça me va bien comme ça.

As tu des activités à côté ? Tu souhaites nous en parler ?
Tu fais des liens avec ces activités et ton enseignement ?

A coté, j'essaie de continuer à réaliser des films d'animation. Je dessine aussi dans des petits carnets à partir desquels j'édite des petits fanzines. Et pour le moment, j'y arrive ! Je travaille à 80% dans les écoles, ce qui me laisse un peu de temps pour mes propres projets. C'est très nourrissant pour moi de continuer à dessiner et à faire des films. Je trouve que l'enseignement et la création se complètent très bien. Ce sont deux mondes très différents et je crois avoir besoin des deux. Travailler avec les enfants me donne plein d'idées et me stimule. Et inversement, j'ai envie de leur faire partager mon plaisir de faire des films, des petits livres... Le plaisir de ces projets là va bien au delà des séances d'arts visuels plus classiques.

Merci Cécile, c’était passionnant :)

N'hésitez pas à aller consulter son site : https://www.cecilerousset.com/
Vous y trouverez (entre autres) des films d'élèves.