Nous avons interviewé Delphine, auteure du célèbre blog Charivari à l'école. Passionnée et passionnante, Delphine nous parle de son blog, de son métier d'instit, de ses projets et de ses convictions.

Charivari, c’est une institution pour les profs, mais peu de gens savent qui tu es vraiment. Peux-tu te présenter en quelques mots ?
. Alors, je suis prof des écoles, pour de vrai ! Je dis ça parce que quelquefois il y a des gens qui laissent entendre que ce n’est pas vrai, que je ne suis pas vraiment prof, que je suis payée par les éditeurs… Non non j’enseigne ! Je suis même directrice de notre petite école de campagne. J’ai 48 ans, pour un mois encore (rire) et deux enfants qui sont des grands ados.

Pourquoi as-tu créé un blog ? Qu’est-ce que cela t’apporte ?
Alors là, il y a deux questions.
Pourquoi ? (rire) Alors c’était un concours de circonstances. J’étais à l’IUFM, on disait comme ça à l’époque, c’était il y a dix ans et j’avais fait mon mémoire de PE2 sur les ceintures de compétences. Une des conclusions de la soutenance était que c’était un super dispositif, mais que de créer les supports, créer les tests, créer les entrainements, c’était quand même un gros boulot, que c’était bête que chaque prof fasse ça dans son coin et que c’était bien de mutualiser son travail avec les enseignants qui avaient envie de se lancer. Et donc en débattant avec les professeurs qui assistaient à ma soutenance, on en avait conclu que pour ça, Internet c’était idéal. On pouvait collaborer, coopérer, partager notre travail. Et ils m’avaient encouragée à mettre en ligne ce que j’avais créé à l’époque pour mon année de PE2, les quelques ceintures que j’avais créées. Donc j’avais créé le blog pour mettre en ligne mon mémoire, où j’expliquais un petit peu la démarche, les avantages et les inconvénients des ceintures. Et puis pour mettre en ligne les quelques tests que j’avais déjà construits. Ensuite, je suis entrée dans l’enseignement. J’ai eu mes premières classes et assez naturellement, quand je passais du temps à créer certains documents, en les soignant plus que les autres, je me disais que ça pourrait servir à des collègues qui ont le même niveau ou le même souci, le même besoin. Je les ai mis en ligne sur le blog et c’est comme ça que ça a démarré.
Alors ce que ça m’apporte… c’est pas facile de répondre à cette question (rire). Je pense que je me sens utile. Au delà de ce que je fais en classe -je me sens utile pour mes élèves et c’est une des raisons pour lesquelles j’aime beaucoup ce métier-là – ça me plait de me sentir utile pour les collègues. Donc c’est vraiment un sentiment agréable. Je trouve ça chouette ! Quand je passe du temps à créer un document ou un dispositif et que ça marche bien dans ma classe, j’aime bien l’idée de partager. J’adore quand, dans les retours, les gens me disent « Ah ça a super bien marché chez moi aussi ! ». Voilà, j’ai l’impression de travailler au-delà de ma petite classe, de ma petite école.
Ah et ce que j’aime beaucoup beaucoup aussi c’est l’interaction avec les autres profs ! C’est d’avoir évidemment des retours positifs, j’aime bien quand les gens s’enthousiasment et que ce que j’ai proposé marche bien. Mais j’aime bien aussi quand les gens me disent « Ben moi j’ai essayé et ça n’a pas trop marché parce qu’il s’est passé ceci, il s’est passé cela ». Et puis voire quelquefois des « Ah ben j’ai amélioré ce que tu as proposé » ou « je l’ai fait différemment, comme ci, comme ça ». C’est très enrichissant ! C’est vrai que maintenant j’enseigne dans une toute petite école, je m’entends très très bien avec mes deux collègues. Mais sur le blog j’ai des collègues qui ont le même niveau que moi. Donc Internet c’est un peu comme une immense salle des maitres où on peut échanger avec des gens qui font la même séance, qui ont le même niveau, qui ont des idées et qui ont essayé des choses qui ont marché, pas marché, etc. Et cette interaction, elle m’est vraiment rendue possible sur les forums par exemple, et en commentaires de mes articles.

Pourquoi as-tu choisi le nom « Charivari à l’école » ?
Ça date de l’époque où je surfais sur le forum Enseignants du Primaire. Quand je me suis inscrite, il fallait se trouver un pseudonyme. A l’époque, mes enfants étaient petits, ils avaient 2 et 4 ans, et je leur lisais les histoires des Petites Poules de Christian Heinrich et Christian Jolibois. On était fans des petites poules ! On est toujours fans des petites poules d’ailleurs (rire). Et l’album préféré de mon fils, c’était « Charivari chez les petites poules ». Alors, je me cherchais un pseudonyme. J’aimais bien Ponti aussi, j’avais essayé « Tromboline », comme dans « Tromboline et Foulbazar » mais c’était déjà pris ! (rire). Et là mes yeux sont tombés sur l’album « Charivari chez les petites poules ». Le mot « Charivari » m’a plu parce que c’est un petit peu de bazar. C’est assez joyeux comme mot. On l’associe à une fanfare qui fait du bazar dans une rue. Donc « Charivari à l’école », ça m’a tout de suite plu. Et quand j’ai créé le blog, j’ai gardé ce pseudo-là.

Et le pingouin à lunettes, cela vient d’où ?
Alors, le pingouin à lunettes, c’est pareil. Au départ, c’était le forum Enseignants du Primaire où on avait un petit avatar. Chacun avait un truc. Et il y a eu une mode, à un moment, de chercher des avatars animés. Donc je cherchais sur une banque de gifs animés et je suis tombée sur un pingouin à lunettes roses qui dansait (rire). Vraiment l’animation était belle, sa danse était très souple, c’était très chouette (rire). En plus il était en 3D. J’ai tout de suite craqué pour ce pingouin à lunettes roses ! Donc ça a été mon premier avatar. Alors depuis, il a un petit peu évolué graphiquement mais c’est toujours un pingouin à lunettes roses.

Comment tu expliques le succès de ton blog ?
La première explication, elle vient de son ancienneté. En fait, au début, quand je l’ai créé, il n’y avait pas beaucoup de blogs. Je suis arrivée avant Lutin Bazar, avant Bout de Gomme… En blogs ou site de profs, il y avait La Maternelle de Moustache qui était universellement connu ! Et puis en élémentaire, il y en avait un qui est plus vieux que moi et qui est un peu mon mentor : c’était Bruce Demaugé. Il faisait des choses faramineuses ! Moi j’étais plus élémentaire, donc le fait d’arriver quasiment en premier, je pense que ça contribue beaucoup au succès. Au début, quand il n’y a pas beaucoup de monde, on connaît Charivari. Maintenant on est plein plein, mais je suis encore là. Bon j’espère aussi que c’est parce que ce que je mets en ligne plait (rire). Mais il faut quand même être réaliste et savoir que au début il y n’avait pas grand monde, alors voilà, ils prenaient ce qu’il y avait chez moi ! (rire)

Ton blog a 10 ans cette année. Félicitations !! Si tu devais citer trois articles marquants de cette décennie, ce seraient lesquels ?
Oui… Il y en a eu beaucoup... Alors mon article sur la nouvelle orthographe. J’ai aussi envie de parler de celui sur le prédicat. Il a quand même eu beaucoup de succès. Ce sont des articles qui ont été importants pour moi, où je parle de mes convictions. Je sens que ça aide les gens, ça fait avancer un certain nombre de gens qui les lisent et j’espère avoir convaincu pas mal de monde grâce à ces deux articles. Et puis un petit troisième… attends je réfléchis… Justement dans mon concours je pointe sur ces articles un petit peu phares. Ah si ! Les Cartacharis ! Et puis les rituels peut-être. J’en ai quatre du coup ! (rire). Les Cartacharis c’est un petit jeu de cartes recto-verso et ça marche bien aujourd’hui. Je suis hyper contente. Et puis les rituels du matin en élémentaire, c’est un des articles qui fonctionne le mieux. Je le vois dans mes statistiques, c’est encore un des articles les plus consultés. Ce sont des petits papiers qu’on peut tirer chaque matin, avec des devinettes, avec un petit jeu, avec une petite citation.

Ah oui, je les ai beaucoup utilisés quand j’étais en classe !
Ah oui ? C’est une idée sympa. Je ne sais plus comment je l’avais eu. J’ai dû le piquer quelque part…(rire). Ah si, je me souviens ! L’idée des rituels, c’est parce qu’on m’avait offert une petite boite en fer avec des pensées du jour. Avec des petits messages exactement de la taille de ceux que je publie. Ils étaient roulés, c’était mieux fichu (rire). Et je me suis dit « Oh c’est une bonne idée ! Et si je mettais des devinettes, des charades à la place ? ». Le premier que j’ai fait c’était les charades. Et mes élèves avaient adoré ! Ils piochaient leur truc tous les matins. Donc voilà, les rituels, les cartacharis et la nouvelle orthographe ou le prédicat. Ou les quatre si tu veux ! (rire).

Tu rempiles pour 10 ans ?
Ben écoute, on me pose souvent la question « Est-ce que ça ne te prend pas trop de temps ? » ou « Est-ce que tu t’imposes un rythme de publication ? ». On me demande souvent ça. Et ma réponse, c’est que je prends le temps que je veux et il faut que ça reste un plaisir. Donc quelquefois, je reste un mois sans rien publier ou en remontant un vieil article parce que j’ai pas le temps, parce que j’ai d’autres priorités. Et puis de temps en temps, souvent pendant les vacances, je publie plein de choses parce que j’ai envie. Donc tant que j’ai envie je continuerai (rire). Et puis si j’ai pas envie, j’arrêterai, voilà. Mais je ne m’impose rien et c’est agréable. C’est vrai, quand on me dit « ça doit te prendre beaucoup de temps », ben ça me prend le temps que je veux, ça me prend le temps que j’ai. C’est pas comme un projet d’édition où l’éditeur nous donne des contraintes de temps, de délais, il faut avoir rendu telle partie à telle date… Là, j’ai aucune contrainte. Après, je m’en mets forcément. Quand il y a eu les nouveaux programmes, c’est vrai que je me suis mis la pression pour mettre à jour mes ceintures de grammaire ou de conjugaison, pour que les profs puissent télécharger des choses qui soient conformes aux programmes. C’est sûr. Mais autrement, vraiment, le blog c’est mon plaisir, et ça doit rester un plaisir ! Je pense que ça se sentirait si je faisais ça par ennui. Je m’arrêterais de publier je crois.

Alors, j’ai bien cherché sur ton blog, il y a de tout, des maths, du français, des sciences, des arts, etc SAUF de l’EPS ! Pourquoi ?
(Rire) Ah oui c’est possible ! C’est parce que je ne suis pas très inventive en EPS. C’est une bonne remarque oui. Peut-être aussi parce que depuis que j’enseigne, j’ai très très souvent eu des intervenants en EPS. Donc du coup, ce n’est pas moi qui enseigne. Enfin c’est l’intervenant qui prépare et en plus il fait ça beaucoup mieux que moi (rire).

Je te taquine !
(rire) C’est quand même une bonne question. C’est vrai que c’est pas une matière qui m’éclate. Mais par exemple, l’art plastique non plus c’est pas une matière qui m’éclate. Mais du coup, j’ai publié pas mal parce que, même quand ça ne t’éclate pas, justement c’est là que tu as besoin d’aide de support. Et tu vas chercher des trucs sur les blogs des copains. Donc ça n’aurait pas été impossible que je publie des trucs sympas en EPS, mais non en l’occurrence. C’est une bonne remarque ! (rire)

Comment trouves-tu le temps d’être en classe, d’assurer la direction de ton école, de faire ton blog et d’être active sur Twitter, d’élever tes enfants ?
De jouer de la musique, d’être présidente d’une association locale politique… Enfin voilà, ouais je fais plein de trucs ! (rire). Et bien écoute honnêtement, le blog comme Twitter c’est mes loisirs ! C’est comme des gens qui font du scrapbooking ! Je regarde peu la télé, très très peu. Ou quelquefois, je tweete devant la télé (rire). Peut-être le temps que les gens passent à regarder une bonne série ou un bon film, et bien moi je vais le passer sur mon blog ou sur Twitter.

Est-ce que ton inspecteur sait que tu es Charivari ?
Oui, je suis sûre que mon inspectrice le sait, mais pas depuis très longtemps. L’inspecteur d’avant, au début, ne le savait pas. La première moitié de mes années d’enseignement, pendant cinq ans, je pense que personne ne le savait. Même mes collègues, au début, je ne leur disais pas. Alors maintenant c’est fini parce que mes collègues sont stables et le savent. Et puis, surtout les jeunes collègues, quand ils viennent dans ma classe, par exemple, les gens qui font mes décharges de direction, même s’ils ne le savaient pas, ils disent « Oh ben dis-donc, t’aime bien Charivari toi ! » en regardant mes affichages, mes outils (rire). Et puis je suis bien obligée de leur dire qu’en fait c’est pas que j’aime bien Charivari, c’est que Charivari c’est moi ! (rire). Ils s’en rendent compte, forcément, sur mes murs, toutes mes ceintures… forcément c’est tout Charivari !

Bon, tout le monde le sait, prof, c’est le plus beau métier du monde. Mais quand même, qu’est-ce qui t’as poussé à devenir instit ?
Alors écoute… Je faisais carrément autre chose. J’étais en entreprise, je m’occupais de la maitrise d’ouvrage de projets en informatique. Un jour, je suis allé au mariage d’une de mes amies qui a fait une école d’ingénieur, de chimie à Paris. Comme on connaissait personne et que mon mari est ingénieur, elle nous a mis à table avec des copains de son école. Il n’y avait que des ingénieurs à table ! Chacun s’est présenté, comme on le fait à un mariage au début du repas. Untel était chez Rhône-Poulenc, untel était chez Dassault. Et on arrive à une jeune fille en face de moi qui dit « Et bien moi j’ai fait la même école d’ingénieur et maintenant j’ai des CE2, je suis professeur des écoles ». C’était la première fois que je rencontrais quelqu’un qui avait fait autre chose avant, qui avait fait ce qui dans ma tête était de super études et qui devenait professeur des écoles. Je ne savais pas que c’était possible. En plus, elle en parlait évidemment avec des étoiles dans les yeux, elle était visiblement super heureuse de son métier. Et là, ça m’est tombée dessus ! Moi j’ai fait une école de commerce. C’était pas dans mon horizon des possibles. Et puis, là tout d’un coup, je me suis dit « Qu’est-ce que ça doit être bien ! ». Elle en parlait en disant « J’adore mon métier. C’est super varié. Je fais des maths, de la poésie, de l’Histoire, du sport. Je ne m’ennuie jamais. » Et ça m’a fait extrêmement envie tout de suite ! C’était cinq ans, je pense, avant que je prenne ma décision. C’était resté dans un petit coin de ma tête. J’en parlais souvent à mon mari. Et puis, il y a eu un hasard professionnel, une mutation. On m’a demandé de partir un peu loin de là où je travaillais avant. Je ne voulais pas partir loin, mes enfants étaient petits. Donc quand je suis rentrée à la maison, j’ai dit à mon mari que j’avais été nommée sur ce qui était censé être une promotion mais c’était compliqué géographiquement. Il m’a dit « Mais il faut que tu refuses. Tu ne peux pas accepter d’aller si loin avec nos enfants qui sont petits ». C’était à 250 km ! C’était vraiment pas simple. Je lui ai dit « Mais là je vais me faire virer, j’aurais plus de boulot ! » et il m’a dit « Ben c’est l’occasion, tu te fais virer et puis ça fait des années que tu me dis que t’as envie de devenir instit, et bien c’est maintenant ». Voilà, j’ai donc refusé cette fameuse promotion et puis j’ai préparé le concours de professeur des écoles. C’était il y a 11 ans et j’en suis super heureuse !

Qu’est-ce que tu aimes dans l’école française aujourd’hui ? Qu’est-ce que tu n’aimes pas ? C’est la question politique ! (rire).
Alors qu’est-ce que j’aime dans l’école française ? J’aime la liberté pédagogique et je crois qu’il faut la défendre. Ça nous paraît évident parce que ça a toujours été comme ça en France, mais c’est pas du tout comme ça dans d’autres pays. Tous les dispositifs que j’essaye, que je teste, que j’ajuste, c’est possible parce qu’on a cette liberté pédagogique-là. Ce qui m’enthousiasme c’est de créer des nouveaux dispositifs, d’améliorer ma manière d’enseigner. Voilà, c’est le plus important pour moi.
Qu’est-ce que je n’aime pas ? Je trouve que l’école élémentaire manque cruellement de moyens d’encadrement. Je trouve complètement anormal qu’il n’y ait pas, par exemple, un ou plusieurs assistants d’éducation dans une école pour de la surveillance, qu’il n’y ait pas du tout de secrétariat, pas du tout d’infirmière. Voilà, je trouve qu’on est vraiment très très seul dans nos écoles ! Et je pense que l’ensemble des gens, l’opinion publique pense que l’école élémentaire c’est un monde de bisounours, et que dès qu’on a passé la frontière du collège on tombe dans la jungle. Mais il y a une progressivité entre les bisounours et la jungle. Enfin les bisounours, c’est nulle-part, même à trois ans ! Je trouve que la différence de dotation en personnes est trop importante par rapport à la réalité de nos classes. On devrait avoir un petit peu de gens qui nous aident pour souffler sur une journée, pour surveiller nos récrés, pour répondre au téléphone, pour ouvrir au livreur… On est trop tout seul dans nos écoles.

Si tu étais ministre de l’éducation, quelle serait ta première mesure ?
Ah ben ce serait sûrement ça ! Ce serait nommer un assistant d’éducation par école qui serait un futur professeur des écoles qui passerait un an à mi-temps dans l’école pour aider à l’encadrement des élèves, mais qui pourrait aussi prendre des groupes pour des ateliers, qui pourrait aider les maitresses et qui serait en stage à mi-temps. Il y aurait par exemple deux stagiaires à mi-temps dans chaque école, plus dans les grosses écoles et qui seraient des personnes destinées à la fonction de professeur des écoles. Ça leur servirait dans leur formation et puis ça soulagerait les directeurs et les collègues. Ça ne me paraît pas compliqué en plus, je ne suis pas sûre que ça soit si cher que ça parce que ce serait sur l’année de formation. Et on en a terriblement besoin.

Moi, ce qui m’a le plus marqué sur ton blog, ce sont les ceintures. Comment t’es venue cette idée géniale ?
Chouette, ça me fait plaisir que tu me dises ça ! (rire) Mais cette idée c’est pas moi ! C’était avant même de devenir professeur des écoles, je m’intéressais déjà à la pédagogie. Je crois que c’est une amie qui m’en a parlé parce qu’il y avait ça dans son école déjà. Elle devait être dans une école en pédagogie institutionnelle ou en école Freinet, parce que les écoles Freinet ont pas mal repris les ceintures. Donc je suis allée lire des articles d’abord. Il y avait un article dans un Cahiers Pédagogiques sur l’évaluation et sur les ceintures. Et puis j’ai lu Philippe Meirieu, qui s’enthousiasmait pour le dispositif, en parlant de différenciation, de défi. Il disait que ça rendait aux élèves le sens de l’effort. L’élève qui s’inscrit se donne un défi et c’est pas facile. C’est un dispositif exigeant. Voilà, tout ça m’a séduite. Donc c’est pas moi qui l’ai inventé. C’est Fernand Oury. C’était un disciple de Célestin Freinet. Lui il était judoka et il a créé ça. J’en ai entendu parler, j’ai lu, je me suis documentée et puis j’ai repris l’idée à mon compte.

Je vois qu’avec les Cartacharis, tu te mets au jeu. Quelle est la place du jeu dans ta classe ?
Elle n’est pas si grande que ça. J’ai deux moments où on joue dans mon emploi du temps. Le premier arrive, je pense, deux ou trois fois dans l’année. Il arrive, comme beaucoup de collègues, que je fasse une après-midi jeux. Dans ces cas-là c’est pas les élèves qui apportent leurs jeux mais c’est moi qui présente ceux que j’ai, parce que j’en ai beaucoup ! En revanche, au quotidien, toute la semaine, dans la classe, j’ai des temps d’atelier. J’en ai de plus en plus. Cette année, il y en aura deux ou trois par jour. Ce sont des petits ateliers de vingt minutes. Les élèves tournent sur la semaine, un petit peu comme en maternelle. Ils vont tous passer sur la semaine sur un même atelier. Et dans au moins un ou deux des ateliers, il y a un jeu. Voilà l’usage principal que je fais des jeux. Il y a juste une petite exception pour les cartacharis quand même, parce que c’est un dispositif que j’avais créé au départ pour être une activité de fond de classe, quand les élèves avaient fini en avance. Donc là, typiquement je peux mettre des Cartacharis au fond de ma classe, dans une petite boite dédiée, et les élèves qui ont terminé leur travail peuvent aller faire une partie. L’intérêt c’est que je peux changer de jeu, quand j’y pense (rire). Donc ça varie pour les élèves et puis c’est vraiment de bons jeux de révision. Comme il y a une règle unique, ils savent tous y jouer. Et en plus, c’est un jeu extra parce qu’on peut y jouer à plusieurs en silence, sans dire un mot. Donc c’est vraiment un bon jeu de fond de classe où les autres peuvent travailler. On ne gêne personne et on s’amuse en révisant !

Et toi, tu joues à quoi ?
Ah moi j’adore les jeux de société ! Mes enfants et mon mari ne sont pas forcément de grands fans mais j’arrive quand même à les faire jouer (rire). Sinon, qu’est-ce que j’ai découvert récemment ? Tu sais je découvre des jeux de société au FLIP  [Festival Ludique International de Parthenay ] , tu connais bien.  Alors là, maintenant que je veux le dire, le nom m’échappe… Une histoire de jungle et de trésor, auquel on a beaucoup joué cet été… Ah oui ! King Domino ! Tu connais ? C’est super chouette !

De quoi es-tu la plus fière dans ta classe ?
Alors de l’autonomie de mes élèves. Ce que j’adore, c’est quand, par exemple, quelqu’un vient me voir après la pause méridienne, que je discute avec lui, et puis qu’au bout de cinq minutes, dix minutes ou un quart d’heure, il regarde dans ma classe et se rend compte que tous les élèves sont assis, en train de travailler, par deux, par trois, et que je n’ai absolument pas besoin de donner de consigne, ils se mettent au travail tout seuls. Ils bossent, ils font pas de bruit et ils s’éclatent ! Voilà, ça c’est ce dont je suis le plus fière. C’est qu’ils aient envie de travailler, envie de s’y mettre tout seuls et moi j’ai pas besoin de leur donner de consigne. Ça c’est extra ! (rire)

Après les ceintures, les Cartacharis, les rituels du matin, tu as d’autres projets pédagogiques dans les cartons ?
J’ai d’autres ceintures qui sont en cours de construction. Ça fait un an et demi, avec ma collègue, qu’on crée des ceintures d’écrivain pour la rédaction. C’est vachement sympa ! On a un projet commun pour la classe. On va travailler sur le dessin d’une île déserte avec un crâne au fond. On imagine qu’il y a un trésor caché. Et chacun, en fonction de sa ceinture, va avoir une consigne de rédaction différente, autour du même support. On travaille sur ces ceintures qui sont pour l’instant en cours de construction. Ça fait quand même un an que mes élèves s’entrainent dessus. Et quand ce sera bien prêt je les publierai. Voilà, c’est notre truc en cours !

Ces vacances, c’était plutôt boulot-boulot ou mojito au bord de la piscine ?
Ah ben c’est une bonne question ! (rire) C’est la première fois que je fais ça, j’ai enfin réussi à déconnecter vraiment pendant deux semaines ! Ça doit vous faire hurler de rire ! (rire).

Ah non ! C’est pareil pour nous tu sais ! (rire)
Donc j’ai carrément désinstallé Twitter de mon téléphone, j’ai enlevé Facebook aussi. Et en plus, j’ai du Wifi mais très peu de 3G, donc j’étais plus connectée du tout ! Et c’est vrai que c’était pas mal ! (rire) J’ai réussi à vraiment déconnecter quinze jours. Quinze jours de vraies vacances ! Je suis partie avec ma petite famille. On est allés en Vendée, on a visité le Pays Basque. Et puis le reste du temps, je travaille mais j’aime beaucoup cette période-là justement parce que je prépare des nouveaux supports, je prépare mon année. Mais c’est pas fait dans l’urgence. J’ai le temps de bien construire les choses. C’est ça que j’aime, concevoir des nouveaux trucs ! Et c’est vrai que j’aime particulièrement la période d’été parce que j’ai pas trop la pression du temps. Bon là, ça se précipite un petit peu parce que la rentrée est dans quelques jours ! (rire) Ma journée de lundi est pas prête par exemple ! (rire) Mais j’ai préparé plein de trucs nouveaux et ça c’est super !

Un dernier mot pour tes fans ?
Ouh là là c’est très ouvert comme question… Si tiens, je sais ce que j’ai envie d’ajouter ! Tout à l’heure, tu me demandais ce que le blog m’apportait. Il y a un truc dont j’ai pas parlé, c’est les rencontres, par exemple comme vous ou comme Lorin [blog Mon Ecole], comme Morgane [blog Lutin Bazar]. Tu vois, le blog ça m’a fait rencontrer des gens et participer au FLIP [Festival Ludique International de Parthenay]. Ça j’adore ! Et puis je suis vraiment contente de vous avoir tous rencontré en vrai aussi ! C’est chouette ! Du coup, quand on se parle, c’est pas du tout la même chose. Quand on échange sur Internet on a beaucoup plus conscience d’échanger avec un vrai gens ! (rire) Le blog ça m’a permis de rencontrer des gens super, sur la même longueur d’onde, qui ont de l’enthousiasme, de l’envie. C’est chouette !

Merci beaucoup Delphine ! Bonne rentrée et à bientôt !

Crédits photos : Florian Belmonte