Si vous êtes enseignant, vous êtes probablement fan de tous ces petits jeux très abordables vendus dans de petites boîtes en cartons ou en fer (les jeux Gigamic, Djeco…). Quand j’étais sur un réseau d’adaptation, j’en avais tout un lot à portée de main, que j’utilisais souvent en début de séance pour détendre mes élèves. Ce que j’aime dans ces jeux, c’est qu’ils permettent de travailler plein de compétences transversales. Mon préféré était sans hésitation Hop là! que mes anciens collègues reconnaîtront sûrement, tellement je l’ai utilisé !

Dans ce jeu, on dispose en spirale de petites cartes rondes avec des dessins variés : lunettes, arrosoir, poire, champignon...On cache ensuite les deux premiers ronds avec 2 jetons (3 si vos élèves sont très forts). L’élève doit nommer la première carte. S’il réussit, on déplace le premier jeton sur la 3e carte. Il doit ensuite nommer la deuxième carte qui était toujours cachée. Si c’est bon, on déplace le jeton sur la 4e carte, l’élève nomme la 3e carte, et ainsi de suite (je ne vous ai pas perdus?)... L’enfant qui gagne est celui qui a retrouvé le plus d’objets avant la fin du sablier (que je n’utilisais jamais...l’enfant qui gagnait était celui qui allait le plus loin sans oubli).
La difficulté du jeu, c’est qu’il ne faut pas nommer directement les deux (ou 3) cartes cachées, mais en garder une en mémoire pendant que l’enseignant déplace l’un des jetons sur une autre carte ! L’élève doit penser à regarder et mémoriser la carte qui va être cachée, sinon  il va vite se retrouver bloqué ! Ce jeu permet de travailler la double tâche (penser à deux choses en même temps) et d’entraîner sa mémoire de travail.

Parenthèse sur la mémoire de travail (MDT) !

Vous connaissez sûrement la mémoire à long terme, qui permet de « stocker » des souvenirs, des méthodes, des connaissances et de développer certains automatismes. La mémoire de travail est une sorte de mémoire à court terme, utilisée pour maintenir une information en tête le temps de traiter une tâche.
Un exemple pour ceux qui ont vécu avant l’arrivée des portables : lorsque vous répétez plusieurs fois un numéro de téléphone en attendant de le composer. Vous devez vous en souvenir pour la tâche en cours (téléphoner avec votre téléphone en bakélite à cadran rotatif), mais vous oublierez ensuite ce numéro si vous ne décidez pas de le mémoriser, car il ne vous est pas utile à long terme. C'est ça, la MDT !
Un deuxième exemple pour les enseignants de tous âges : une maman vous dit entre deux portes qu’elle viendra chercher son enfant à 11h pour un rendez-vous chez l’ophtalmo. Si vous percevez l’information dans la cohue du matin, vous la maintenez en mémoire le temps de la noter. Le seul souci, c’est que la mémoire de travail n’a pas un stockage illimité. Si dans les cinq mêmes minutes, un élève vous demande la liste de cantine, un autre où mettre son cahier, qu’un troisième vous donne un règlement d’abonnement à un magazine, que le directeur passe pour vous dire que la grippe vous enlève quatre élèves pour la journée, que votre ATSEM trébuche sur un cartable mal rangé, tout ça le jour de votre rendez-vous de carrière, forcément, vous allez oublier de noter le rendez-vous chez l’ophtalmo. Vous pourrez toujours expliquer à la maman que votre mémoire de travail a été saturée.

Et chez les élèves, à quoi sert la mémoire de travail ? Tout comme pour les adultes, les enfants ont constamment besoin de leur mémoire de travail, à tout moment de la journée, dans n’importe quelle discipline.
Prenons un exemple parlant : un élève déchiffre correctement une phrase ou un mot, plus ou moins vite. Vous lui demandez ce qu’il a compris : un ange passe. Il ne suffit en effet pas de déchiffrer une phrase pour la comprendre, encore faut-il mémoriser l’ensemble des syllabes lues, et les remettre ensemble, pour faire du sens.
Voyons ce qui se passe chez un élève qui a utilisé sa mémoire de travail pour comprendre un mot (on estime qu’il connaît ce mot, sa signification, et qu’il y associe une image) :
L’élève lit : é….lé….phant……..éléphant ! Ah oui, avec la trompe !
Ici la MDT lui a permis d'assembler les syllabes pour lire le mot dans sa globalité, puis d'aller rechercher dans sa mémoire à long terme l'image de l'éléphant correspondant au mot (tout cela se déroule évidemment très rapidement).
Un élève qui n’a pas mis en mémoire de travail les syllabes du mot éléphant n’arrivera pas à évoquer d’image (ou retiendra la dernière et vous parlera de Bambi), car il n’a pas réussi à assembler les syllabes et à faire du lien avec sa mémoire à long terme.

Mais revenons à nos moutons (ou plutôt à nos lapins, si on s’en tient au visuel du jeu). Le jeu Hop là! est idéal, parce qu’il est un bon support pour guider l’élève et lui donner des procédures pour mémoriser.
Les premiers essais sont souvent décevants : l’élève retient 3, 4 cartes.  Si on l’interroge, la plupart du temps il dira qu’il n’a pas eu le temps ou n’a pas pensé à regarder l’image qui allait être cachée, ou qu'il l’a oubliée. On le prépare alors à la deuxième partie, où on lui dit de faire plus attention à la carte qui va être cachée, à dire dans sa tête le mot qui correspond. On peut montrer la carte du doigt avant de poser le jeton pour attirer son attention. Très rapidement, le nombre de cartes trouvées augmente.
Au bout de quelques parties, très souvent la plupart ont compris la technique et réussissent à aller au bout de la spirale.
Il arrive que certains bloquent sur le vocabulaire...Dans ce cas, c’est la mémoire à long terme qu’on entraîne ! Retenir, pour la prochaine partie, le nom de cet objet…
On peut changer l’ordre des cartes à chaque partie de Hop là! Certains élèves remarqueront qu’ils réussissent mieux le jeu dans certains cas. Par exemple « je me souvenais qu’il y avait l’arrosoir juste après la fleur parce qu'on peut l’arroser, ça va bien ensemble ». On pourra alors dire qu’il est plus facile de mémoriser certains éléments si on fait des groupements.

On va repartir du jeu pour développer des compétences dans une discipline "scolaire" de la même manière : par exemple en lecture, on les met en projet de lire un mot (ou une phrase) en mémorisant chaque syllabe, en les répétant à voix haute ou dans sa tête si besoin, pour ensuite redire « vite » le mot et le décrire.
En langage oral, on peut prévenir les élèves qu'ils vont devoir retenir plusieurs consignes, leur donner le nombre si besoin, puis leur demander de les répéter avant de commencer le travail...

Et voilà comment des lapins qui jouent à saute-mouton peuvent aider vos élèves à apprendre!

Auteur : Reinhard Staupe
Editeur : Gigamic
2 à 6 joueurs - chaque joueur joue à tour de rôle