L'ancrage positif

Cet article a pour but de vous faire découvrir, si vous ne la connaissez pas encore, cette méthode facile d’accès et bien utile à tout un chacun. Dans un premier temps, je vais vous présenter quelques éléments sur son origine ; dans un deuxième temps, nous aborderons la manière de s’y prendre pour soi, adulte, et dans un troisième temps je vous proposerai des réflexions sur la manière de la transmettre aux élèves.

D’où vient cette technique ?

Réponse : de la programmation neuro-linguistique.
La programmation neuro-linguistique (PNL) est un ensemble de techniques de communication conçu en 1972 par John Grinder et Richard Bandler, respectivement linguiste et psychologue. C’est une « compilation » de techniques pour augmenter l’efficacité de la communication d’un individu. Vous pouvez vous renseigner sur ce sujet en commençant par un moteur de recherche;-)  En effet, je ne vais pas traiter de la PNL dans cet article mais juste d’une technique qui peut être utile à nos petits élèves. Il s’agit donc de l’ancrage positif.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut savoir que l’ancrage positif s’inscrit dans une procédure d’apprentissage issue des théories béhavioristes (comportementalistes en français), le conditionnement. Vous avez probablement entendu parler des boites de Skinner, où des rats appuient sur des leviers pour obtenir à manger, et aussi de la célèbre expérience du réflexe de Pavlov, médecin russe, prix Nobel de physiologie.
Le conditionnement pavlovien (ou conditionnement répondant) consiste en l'association de stimuli à des réactions automatiques de l'organisme d’un animal. En voici une synthèse :

Illustration : MaxxL

1. Le chien est soumis à un stimulus porteur de sens : la nourriture, qui le fait saliver.
2. Le chien est soumis à un stimulus neutre : la cloche, qui ne produit pas d’effet particulier.
3. Le chien est soumis aux deux stimuli simultanément à plusieurs reprises.
4. Si l'animal intègre le lien entre les deux stimuli, le stimulus neutre seul est dit conditionné et déclenche les mêmes effets physiologiques que le stimulus porteur de sens. Le chien est soumis à un stimulus neutre : la cloche, qui le fait saliver.

L’usage volontaire ou non de ce lien entre un stimulus d’un sens (vue, ouïe, toucher…) et effet physiologique est très répandu. Par exemple, lorsque l’on est inquiet ou …, il nous arrive de nous toucher ou caresser le bras, l’oreille, la joue. Cette caresse affectueuse que l’on se donne nous rassure, comme celle de notre mère ou notre père quand nous étions enfant.

Utiliser cette approche béhavioriste peut inquiéter ; on peut y voir de la manipulation. Relativisons et piochons-y ce qu’il y a de simple et de positif pour nos élèves.

A quoi sert l’ancrage positif et qu’est-ce que c’est ?

L’ancrage positif permet de mieux réagir à une situation (de communication la plupart du temps). Prendre la parole devant les autres (pour réciter sa poésie par exemple) peut être stressant et il est utile de savoir se détendre avant un oral. Passer une évaluation peut déclencher une inquiétude (parfois de la panique) chez certains et éprouver de la confiance en soi va rendre possible le passage de l’épreuve. C’est bien sûr valable à l’école mais aussi dans la vie de tous les jours : aller chez le médecin, faire puis assumer une « bêtise », supporter le bruit des transports en commun...

L’ancrage positif consiste à associer une émotion positive ou plutôt un état émotionnel positif à une action physique précise. Une fois cette action solidement liée à cette émotion, il suffit de refaire l’action pour ressentir l’émotion.

On parle d’auto-ancrage lorsque l’on réalise soi-même, sans aide ou intervention extérieure, ce conditionnement.

Comment s’y prendre ?

Dans un premier temps, je vous propose de vous expliquer la démarche en restant focalisé sur vous plutôt que sur les élèves. Cela vous permettra de mieux comprendre le principe et être ainsi capable de mieux l’expliquer et le transmettre à vos élèves.
Voici une procédure en 5 étapes :

Étape 1

Choisissez une émotion que vous souhaitez pouvoir ressentir « sur demande » : calme, énergie, joie, confiance en soi, espoir, motivation… Facile !

Étape 2

Trouvez une action physique, un geste qui va identifier l’ancrage positif que vous souhaitez mémoriser. Attention, il est préférable que ce soit discret pour ne pas être détecté par vos interlocuteurs ou personnes présentes.

Voici quelques exemples inspirants :
- rassembler le bout des trois doigts d’une main
- poser sa main sur un endroit spécifique du corps ou du visage
- faire bouger un bijou d’une certaine manière
- faire un geste avec une partie du corps : joindre ses pieds, écarter les bras…
A vous d’être inventif-ve.

Vous remarquerez que ces actions correspondent à des mouvements du corps mais si c’est possible, les autres sens (vue, odorat, goût, ouïe) peuvent être utilisés.

Étape 3

Rappelez-vous une situation vécue qui a déclenché cette émotion ou un moment où vous l’avez ressentie.

Étape 4

L’association (de l’émotion et de l’action) se réalise en situation de relaxation, au calme, en position détendue et en respirant tranquillement. Vous pouvez fermer les yeux pour être plus concentré. Revivez mentalement la situation évoquée à l’étape 2 en prenant votre temps et en vous remémorant  le maximum de détails (visuels, olfactifs, auditifs…) . Ressentez l’émotion qu’elle vous procure et lorsque vous la vivez de manière suffisamment intense, effectuez l’action choisie à l’étape 3. Soyez conscient de votre geste et associez-le volontairement à votre émotion.

Etape 5

L’association, pour être efficace, doit donner lieu à entraînement. Je vous suggère de la réaliser plusieurs fois de suite la première fois, puis au moins une fois par jour pendant plusieurs jours. C’est un passage obligé qui va optimiser l’efficacité de cette technique.

Comment savoir que ça fonctionne ?

Vous saurez que votre ancrage positif fonctionne lorsqu’il vous suffira d’exécuter l’action conditionnée – le stimuli – pour ressentir l’émotion associée.

Avec les élèves

En groupe classe, cela peut s'avérer un peu délicat, c'est pourquoi je vous encourage à réaliser cette étape de découverte en petit groupe, le plus restreint possible, afin d'aider au mieux chacun. L'aide personnalisée peut donner lieu à un moment pour cela.

Les étapes seront les mêmes, avec quelques nuances.

Étape 1

C'est vous qui choisissez l'émotion : le bien-être. Une émotion généralement fiable.

Étape 2

Proposez à l'enfant de choisir un objet qu'il aime bien. Cela peut être un objet simple qu'il a dans sa trousse ou encore mieux, un tout petit objet que vous lui avez demandé d'amener, sans préciser à quoi il allait servir, juste un objet qu'il apprécie.

Image par Nguyen Dinh Lich de Pixabay

Étape 3

Demandez aux élèves du petit groupe de se rappeler un souvenir positif, un moment où ils se sont sentis bien : leur meilleur  souvenir. Ils vont vous questionner pour être sûrs de leur choix. Rassurez-les bien sûr. Une fois leur choix établi, il va leur falloir développer le souvenir, l'explorer, le revivre d'une certaine manière.
Proposez-leur de fermer les yeux pour mieux se concentrer, se remémorer et de raconter ou décrire ce souvenir (s'ils sont d'accord). Les questionner peut leur permettre d'optimiser la visualisation :  où était-ce ? quand était-ce ? qui était là ? ... Sollicitez les sens car l'association sera d'autant plus puissante si le souvenir est lié à des sensations : Revois la scène. Souviens-toi de ce que tu entendais, de ce que tu as ressenti (sur ta peau, tes mains, tes cheveux, tes pieds...), touché. Est-ce qu'il y avait une odeur ? As-tu goûté quelque chose ?
L'oralisation leur permettra d'affiner le souvenir et de le rendre plus vivant.

Étape 4

L'étape d’association se réalise donc en deux temps :
1- yeux ouverts en regardant attentivement l'objet posé devant eux, sans le toucher. Demandez aux enfants de bien regarder l'objet, de la détailler, de l'examiner, sans parler.
2- yeux fermés, en position détendue et au calme. Demandez-leur de fermer les yeux et de revivre leur souvenir de bien-être. Cela peut durer plus d'une minute.

Répétez ces deux temps au moins une fois.
Puis finalisez la séance avec une synthèse du type “Vous venez de créer un lien entre un objet et un souvenir agréable. Maintenant, chaque fois que vous regarderez cet  objet, vous ressentirez cette sensation de bien-être liée à ce souvenir.”

Etape 5

Comme on l'a dit, l’association sera efficace si elle est exercée. Faites-la donc réaliser plusieurs fois de suite lors de la phase initiale de découverte, puis au moins une fois par jour pendant plusieurs jours. Rappelez-leur de faire appel à leurs cinq sens si c'est possible.
Cette étape 5 est cruciale et si vous sentez que les élèves accrochent à cette méthode, donnez-leur régulièrement l'occasion de la mettre en pratique.

Pour conclure, je vous encourage évidemment à tester l'ancrage positif ! En sachant que cela exige un investissement temps court mais fréquent.
J'insiste sur le fait que la technique de l'ancrage positif n'est pas magique ; la réussite de cette méthode est au contraire le fruit d'une combinaison de concentration et de régularité des entrainements.


Image d'en-tête par Ruthie Prasil de Pixabay