Mon école est extraordinaire !
Il y a quelques temps, nous avons lancé un appel sur les réseaux, vous invitant à nous raconter en quoi votre école vous semblait sortir du lot : par la pédagogie utilisée, pour son architecture, par sa situation ou simplement parce que vous connaissez une anecdote à son sujet. Parce que ceux qui racontent le mieux l'école, ce sont quand même ceux qui la font vivre !
Aujourd'hui, c'est Elodie qui se prête au jeu :)
On découvre quelle école aujourd'hui ?
École Georges Jean, Courdemanche (Sarthe)
Ecole publique en RPI - seule école de la commune
2 classes sur le site de Courdemanche : PS-MS et GS-CP (classe d'Elodie)
40 élèves sur le site
Pour en savoir plus : site internet de l'école et page Instagram d'Elodie
Sa particularité : Les enseignantes mettent en place une multitude de projets et oeuvrent au bien-être des enfants, avec un soutien financier obtenu par le plan NEFLE (Notre Ecole Faisons La Ensemble).
Parle-nous de ton école...
Edumoov : Tes collègues et toi, vous avez eu la chance de bénéficier d'un financement avec NEFLE. Qui peut prétendre à cette aide, y a t-il des critères à respecter ?
Elodie : C'est ouvert à toutes les écoles, même le privé, le collège, etc. Ce qu'il faut, c'est concerter les familles, les élèves, les élus, toutes les personnes qui sont autour de l'école.
Derrière les concertations, il faut réfléchir en équipe à ce qui peut être mis en place et bien avertir la mairie s'il y a des changements (par exemple s'il y a de nouveaux meubles : peut-être que ça va être plus compliqué pour le ménage). C'est important.
Ceux qui ont fait l'évaluation de leur école, ils ont déjà tout ça en fait.
Peux-tu nous en dire plus sur les discussions qui ont eu lieu avec les familles ?
Pour initier le projet, on a fait des questionnaires aux familles pour demander comment elles voyaient l'école dans le futur : ce qu'elles attendaient pour leur(s) enfant(s), ce qu'elles appréciaient, pour faire ressortir un peu les idées et les besoins par rapport à l'école. J'avais demandé de poser des questions aux enfants, par exemple "est-ce qu'il y a des endroits de l'école qu'ils apprécient ou pas"...
Suite à ça, on a compilé toutes les informations, on en a fait un espèce de résumé. On a invité toutes les familles à une réunion et on a présenté les résultats, les idées qu'on avait par rapport à ces résultats et eux aussi ont proposé leurs propres idées.
Ces discussions ont eu lieu pendant un conseil d'établissement ?
Non, on a que 40 élèves dans l'école, donc pas trop de familles. Dans d'autres écoles, ils peuvent faire appel aux représentants de parents d'élèves, mais ici comme on est peu nombreux on a pu faire des réunions avec tout le monde.
Et qu'est-ce qui en est ressorti ?
On travaillait déjà en classe flexible, ils nous ont dit que c'était ça qu'ils attendaient pour leurs enfants, l'école du futur. Ca nous a permis d'aller plus loin là-dedans, justement.
Ils nous avaient aussi demandé plus de choses pour l'extérieur.
Il y avait des parents un peu réfractaires, qui voulaient plutôt un enseignement "traditionnel" ?
Nous, ils découvrent ça dès la maternelle, pour eux c'est "normal", ils n'ont pas vu d'autres écoles où c'est plus classique, donc pour l'instant non, ça se passe plutôt bien. On ouvre beaucoup l'école aux familles donc on a des familles qui n'ont pas d'à priori par rapport à la manière d'enseigner.
Suite à ces concertations et à cette estimation des besoins, vous avez donc monté votre dossier de financement. Quel était votre projet ?
Le thème était autour du bien-être à l'école. On l'a décliné sur plusieurs axes : il y avait un axe pour faire la classe flexible et pouvoir manipuler avec du "vrai" matériel... les trucs plastifiés c'est bien mais ce n'est pas aussi intéressant ou impliquant pour les enfants !
Un autre axe, c'était de co-éduquer, donc on a mis des actions en place pour les familles. On a demandé une aide pour avoir des structures de jeux extérieures aussi dans notre dossier.
Et alors (pas la partie la plus drôle), quelles démarches vous avez suivies pour soumettre ce dossier au plan NEFLE ?
Le NEFLE ça a démarré il y a un an maintenant. J'avais anticipé en commençant les concertations avant même que le site du NEFLE ouvre. J'avais créé tout un dossier d'une bonne quarantaine de pages en me disant que c'étaient les premiers à déposer les projets qui auraient le plus facilement les subventions. Au départ, on ne savait pas trop combien de temps ça allait durer !
Le jour où NEFLE a été lancé, c'était vraiment beaucoup plus simple que ce que j'avais préparé, donc j'ai déposé tout de suite le dossier en ligne. Il a fallu quelques mois pour que ce soit traité : quand ça commence, il faut que tout le monde s'organise et voit comment ça fonctionne.
Le dossier n'est pas très compliqué à monter, il y a une dizaine de questions à peu près. Ils sont assez exigeants sur les critères d'évaluation : il faut bien réfléchir à comment ça va pouvoir être évalué, fournir des devis. Il faut que ce soit innovant, mais sans oublier les fondamentaux.
Quand le dossier est prêt, on le soumet à validation : il y a une équipe départementale d'abord, qui l'étudie et nous fait des retours, pour faire des ajustements. Et après plusieurs allers-retours, ça part à la commission académique. C'est là qu'ils valident ou pas le dossier.
Après, d'une académie à l'autre, les financements ne sont pas les mêmes. Nous, c'est le département, les services de l'Education Nationale, qui ont tout acheté pour nous. Mais à des endroits il faut que les mairies avancent une partie, et ensuite elles sont remboursées...ou tout va à la mairie. Chaque académie sa sauce !
Ce projet a donc été sélectionné pour un financement...
Au final on a décroché un NEFLE à 38 000 € : 28 000€ de matériel et 10 000 € pour des interventions et des sorties : pour une quarantaine d'élèves c'est un beau budget !
On avait déjà commencé à travailler en classe flexible, mais là on a pu avoir du vrai matériel, pas de bric et de broc : des vraies tables et des chaises, des tabourets, tout ça... et puis tout ce qui allait aussi avec le matériel de manipulation, car on a des maternelles-CP : des ateliers Montessori en bois, des ateliers autonomes de chez Nathan, du matériel numérique qui permet l'autonomie des élèves...
On a eu de quoi retravailler l'extérieur : une structure de jeux (parcours) et deux grands abris de jardin qui font des espaces à scénarios... même si je pense que ça ne passerait plus maintenant, c'est plus à la mairie de financer ça.
On a aussi pu développer l'axe "co-éducation". On a le centre social qui intervient une fois tous les 15 jours pour faire un temps d'animation gratuit pour les familles en lien avec les enseignants. On a pu suivre une formation pour toute l'équipe enseignante, les ATSEM et le périscolaire, par un éducateur spécialisé jeunes enfants, sur "Comment gérer la violence chez les jeunes enfants".
Mais le plus gros du financement va à la médiation équine. On avait commencé l'année d'avant et c'est la coopé qui avait payé, mais ça avait fait un gros trou, donc là on a réussi à renouveler pendant deux ans grâce à NEFLE. Ca permet de payer le bus et les interventions.
Je suis curieuse de savoir ce qu'on met sous le terme "médiation équine". Ca se passe plutôt avec des poneys, des chevaux... ?
On fait avec du poney parce qu'ils sont vraiment petits. Mais l'année dernière en voltige, on a sorti une jument, une très grande jument, ils y vont, ils n'ont pas peur à cet âge-là !
L'idée, c'est que les enfants soient au contact des poneys. On travaille la confiance en soi dans un premier temps. Déjà, accepter le contact, c'est pas toujours évident : les caresser, les brosser ...
Soit on fait des petites balades, soit on fait des jeux en carrière. En ce moment, on fait deux ateliers, toujours si les enfants sont prêts. Il y a un atelier en monte : ils sont en binômes avec le poney, un qui est à terre et qui tient, et l'autre qui est dessus. Et le 2e atelier c'est la voltige. On leur propose des petits ateliers qui évoluent au fur et à mesure.
J'ai refait un master sur la médiation équine l'année dernière là-dessus, j'ai fait toute mon étude sur mes élèves ! Au début, il y avait des enfants qui étaient très, très réticents, et au bout de trois séances ils étaient hyper à l'aise. Ils n'ont pas trop de peur encore... à partir du CP ça commence à changer.
Tu vas souvent au centre équestre ?
C'est une fois par semaine pendant 3 mois, toute l'école y va ensemble.
Sinon, une autre partie du temps, on fait classe du dehors. En théorie, ce qui est conseillé c'est une fois par semaine. J'avais commencé à m'y mettre sérieusement, sauf qu'il y a eu une nouvelle loi...
Et ?
Un nouveau taux d'encadrement est passé (1 adulte pour 8) et me complique fortement la vie. On n'est pas assez d'adultes ! On n'a pas forcément de parents, ou alors il faut demander à un parent et vraiment planifier à l'avance, ce qui est assez contraignant...Moi je suis assez flexible avec mes élèves, et si je vois qu'ils ne sont pas dispos sur un temps de maths, je vais faire du sport, ou inversement. Là ça veut dire que je me bloque obligatoirement un créneau pour être sûr qu'on va aller en école du dehors parce que j'ai demandé à un parent, mais parfois ils ne sont pas "disponibles". C'est pénible.
Là du coup j'ai un peu stoppé pour l'instant, je réfléchis à comment je vais faire.
Tu disais tout à l'heure que les familles souhaitaient plus de structures à l'extérieur. Quels sont les espaces qui ont été aménagés dans le cadre du projet ?
Dans la cour on a créé deux espaces. Il y a un des abris qui sert d'espace de construction, avec différents types d'objets, et l'autre abri est un espace à scenario, qui change à chaque période. On a fait les thèmes "garage automobile/bricolage", "le magasin", à la rentrée il va y avoir "le médecin/ophtalmo/vétérinaire".
Dans la petite présentation que tu nous avais envoyée, tu disais aussi que l'école avait des poules...
Au départ, les enfants voulaient des poules... ok ! Donc il a fallu réfléchir à comment mener le projet avec eux : de quoi on a besoin, comment on va s'en occuper, etc.
On est partis des oeufs, les poules sont nées dans la classe des petits l'année dernière. Ca a permis de voir le cycle de la vie, le développement des oeufs, etc. Il y avait six poussins. Ils ont fini de grandir l'été chez mes parents parce que le poulailler n'était pas prêt ! Ensuite on les a ramenés à l'école, mais sur les six il y avait trois coqs qu'on a dû faire adopter parce que c'était un peu compliqué... Quand les trois poules (Crevette, Anna, et Croquette) ont commencé à pondre, les coqs sont devenus un peu foufous, on a dit "hop hop hop!" (rires).
Les enfants ont donc réussi à avoir leurs poules ! Maintenant qu'elles sont dans l'école, quels autres apprentissages permettent-elles de travailler ?
Les poules mangent les déchets de la cantine, ça nous permet de travailler l'écologie, le traitement des déchets, etc.
Elles se baladent librement dans la cour avec les enfants, donc ils doivent faire attention, ne pas leur faire peur. Ca permet d'aborder le respect de l'animal, et apprendre à faire attention aux poules, c'est aussi regarder ce qui est autour de soi, donc potentiellement faire attention aux autres enfants aussi. On peut faire le parallèle avec apprendre à se décentrer.
Et puis nos poules sont mignonnes, les enfants peuvent les attraper. J'en ai une qui est fan des poules, elle les attrape, elle les met sur son épaule, et la poule reste comme ça pendant la récré !
Ca paraît chouette comme ça, mais avoir des poules, c'est du temps et de l'entretien, comment ça se passe pour la "logistique" ? Qui s'en occupe ?
Les enfants vont ramasser les oeufs, ils adorent ! Ils sont fans, en plus elles pondent bien. Ils sont chargés de leur mettre du blé, de regarder s'il y a encore de l'eau.
Nos poules adorent monter sur le haut de la cabane pour faire caca et les enfants adorent prendre les pelles et aller gratter ! Bon, on est à la campagne, ils le font aussi chez eux, ils connaissent. C'est un truc auquel il faut penser, les poules vont en liberté dans la cour quand on est là, et effectivement des fois il faut nettoyer !
On a créé un poulailler dans la cour, qu'on peut fermer, donc elles restent à l'école le weekend. Pour les vacances, j'ai de la chance cette année, car la personne qui fait le service civique habite juste à côté de l'école et va s'en occuper pendant les vacances. Pour l'année prochaine, soit j'irai régulièrement, soit elles reviendront chez moi pendant les vacances car j'ai aussi un poulailler...ou peut-être que je demanderai s'il y a une famille qui veut les prendre en vacances, on verra !
Mais alors, que faites-vous de tous ces oeufs ?
On en a beaucoup, on les donne aux parents, aux ATSEM... On fait pas mal de cuisine, mais malheureusement on n'a pas le droit de les utiliser. C'est hyper dommage, parce qu'un des axes de notre projet c'était de pouvoir développer des compétences de la vie normale. Par exemple, on a du matériel de jardinage, du matériel de cuisine, et du matériel adapté aux enfants pour faire le ménage dans les classes. Tous les matins on a une collation de fruits, et on essaie que ce soit eux qui coupent les fruits, etc.
Oui, c'est dommage... Tant pis pour les gâteaux maison !
Merci beaucoup Elodie !
Ces propos ont été recueillis en décembre 2023. Ils ne sont qu'un petit aperçu de tous les projets que mènent Elodie et ses collègues dans l'école. Elles organisent également des concours scolaires, proposent une belle sélection de livres dans la bibliothèque, une galerie des oeuvres des enfants dans le couloir... Pour voir des exemples de mises en place des apprentissages dans l'école et durant les sorties, n'hésitez pas à aller voir sur leurs pages Internet.