Rubik’s Cube et mémorisation

L’idée de départ de cet article est née d’une connexion entre deux sujets. Une fois terminé mon article sur le palais mental (premier sujet), je me suis questionné sur son intérêt pour la résolution du célèbre casse-tête en forme de cube (deuxième sujet).

Le pouvoir des histoires

Je me suis souvenu que certains de mes élèves, en atelier Rubik’s Cube (merci Bruce Demaugé ;-) n’avaient pas accroché sur mes pas à pas papier variés et mes aides orales. Ils avaient suivi d’autres leaders que leur maître d’école, comme Arthur et ses petites histoires apprises en suivant des tutos sur Youtube. En effet, Arthur avait appris une série d’algorithmes dont les mouvements sur le cube se retiennent en racontant une histoire à étapes comme celle de la chaise. Chaque phrase correspond à un mouvement en lien avec le verbe.

L’homme se lève
Il part très loin
Sa chaise tombe
Il revient sur ses pas
Il relève sa chaise
Il se remet devant sa chaise
Il se rassoit  

Évidemment, Arthur m’avait volé la vedette et à vrai dire, lui et ses copains étaient plus rapides et efficaces que moi…
J’ai digéré cet échec personnel et je peux enfin en parler.  

M’attelant au sujet, je commence par saisir mes mots clés sur un moteur de recherche et je tombe sur Fabien Olicard, le mentaliste, qui a réalisé une série de vidéos sur le sujet. Il s’avère qu’il n’utilise ni le palais mental ni les histoires dans ses vidéos sur le Rubik’s cube. Je réalise également que ces histoires n’ont rien à voir avec le palais mental. Cependant, le site de Jean-Yves Ponce attire tout de même mon attention puisqu'il en utilise le principe.

C'est sur le fameux site Francocube que je déniche ces petites histoires infaillibles. Elles ne s'appliquent pas à toutes les étapes mais se révèlent être d'une redoutable efficacité pour la plupart. Je vous suggère de vous rendre sur le site et de prendre le temps de faire le cube avec ces histoires, que je ne détaillerai pas dans l'article. Une autre manière est de passer, comme l'ont fait mes élèves par des tutos en ligne : en voici un exemple réalisé par des collégiens.

Apprendre à réaliser le Rubik's cube, une métaphore de la mémorisation

Pour mémoriser de manière active, il faut faire l’effort de s'approprier la démarche. Dans le cas du Rubik's cube, trois leviers vont être à l’œuvre :

En racontant

Quand l'élève raconte les histoires successives, dans sa tête ou à voix haute ou marmonnée (ça marche aussi), il va réaliser à plusieurs reprises les étapes de construction. Il y a fort à parier qu'une fois le cube réussi, il va vouloir le refaire plusieurs jours de suite à l'école et se débrouiller pour le faire aussi à la maison.

En répétant

En effet, grâce à la répétition de l'action physique, sa dextérité va s'améliorer au fil du temps, puisque les mouvements se répètent (algorithmes). On est dans l'apprentissage par l'action où la répétition entraine des mécanismes quasi réflexes d'enchainements : après tel mouvement du cube vient systématiquement un autre.

En se trompant

C'est aussi par l'erreur que l'élève va le mieux mémoriser puisqu'il va se questionner sur les raisons de son échec et chercher à comprendre son erreur pour ne plus la reproduire. Vive l'erreur !

Évidemment, on ne peut pas retenir n'importe quoi en se racontant des histoires, même si ça peut être un beau défi. C'est en tout cas bien pratique pour retenir des procédures.
Les leviers 2 et 3 sont utiles dans tous les apprentissages. A vous de les stimuler chez les élèves.

En découlent des idées pour les profs

Voici quelques éléments qui peuvent être utiles pour optimiser la mémorisation des cours par vos élèves.

Suggérer l'usage des "histoires" pour mémoriser

Les temps de métacognition sur les astuces utilisées par les élèves sont des temps propices aux échanges. Certains ont du talent pour expliquer leur manière de faire et rendre simples des procédures que nous, adultes, avons parfois du mal à mettre à la portée des enfants. Parmi eux, vous pouvez encourager ceux qui utilisent des histoires à faire part de leurs techniques.
Vous pouvez aussi raconter vous-même une histoire, inventée pour l'occasion ou connue, pour mémoriser.

Réactiver (plusieurs fois) ce qu’ils ont appris à chaque cours précédent

Vous avez peut-être entendu parler de la courbe d'oubli du psychologue Hermann Ebbinghaus. Une notion non réactivée a bien sûr tendance à s'effacer de notre mémoire. Une notion apprise et revue plusieurs fois aura une persistance plus longue. Alors comment s'y prendre ? Plusieurs solutions s'offrent à vous.

  • En réalisant des quizz.
    Vous pouvez les réaliser à l'oral ou les préparer sur un diaporama ou au tableau. L'ardoise est bien pratique pour répondre A, B, C ou D
    Il existe également des applications comme Plickers qui rendent l'activité encore plus ludique. Le feedback instantané sous forme de tableau statistique est très efficace.
  • En fournissant des jeux à faire en temps dédié, en temps libre (ou à la maison pour ceux qui le souhaitent), par exemple avec Learning Apps. Les jeux matériels restent les plus efficaces ; la manipulation tient le haut du pavé en matière de mémorisation.
  • A ce titre, les flashcards font partie des outils à mi chemin entre le jeu et le support scolaire. Et elles sont redoutables.
    Pour ceux qui ne connaissent pas bien, voici une présentation succincte.
    Ce sont donc des cartes. Vous en choisissez le format : cartes à jouer type belote, cartes carrées, demi A4... Au recto une notion, au verso, un élément à retenir. Cela peut être un mot, une image, une définition, une explication...
  • Vous pouvez les utiliser pour questionner vos élèves en direct en montrant recto ou verso selon votre intention pédagogique.
    Vous pouvez aussi confier un tas de cartes et l'élève doit retenir le maximum de cartes. Lors du jeu, il peut trier ses cartes en 3 tas : retenu / à revoir / non retenu. Les cartes  à revoir et non retenu devront être reprises à d'autres occasions jusqu'à être totalement maitrisées.
  • Dans la même veine, les cartes de nomenclature Montessori sont très intéressantes et vous en trouverez un paquet sur le web.
  • Rendre possible aux élèves de pratiquer la réactivation en dehors de l'école est important car vous leur permettez de se responsabiliser et de comprendre qu'ils sont l'acteur principal de leur apprentissage. Libre à eux de pratique la réactivation ; ils disposent d'outils pour l'exercer.

Valoriser l'erreur plutôt que la minorer

Si le mot d'erreur prend le sens d'étape de l'apprentissage dans votre langage avec vos élèves, ils vont également se l'approprier positivement.
"Cette erreur t'a permis de comprendre ceci" est objectif alors que "C'est normal de faire des erreurs. Tu vas réussir. Il faut persévérer." a une connotation décourageante qui peut démotiver l'élève.

Sans oublier les outils de fin de cours

Rappels de circonstance :

  • multiplier les canaux sensoriels permet de mieux mémoriser
  • comprendre l'intérêt d'une notion, être motivé sont des facteurs facilitants de la mémorisation

Lors de la préparation de vos cours, pensez donc à planifier des moments pour :

  • Faire faire la synthèse du cours par les élèves. Individuellement ou ensemble au tableau.
  • Rendre la trace du cours personnalisée. Au lieu de faire copier un texte (ils se concentrent alors sur autre chose que le contenu) fournissez leur le texte et demandez leur un schéma, une carte mentale ou une trace personnelle sous forme de dessin, de mots-clés. Pour les débutants, montrez l'exemple, faites-le aussi, sur une affiche jetable.
  • Questionner le cours. Fournissez-leur un jeu : un texte à trou qu'ils remplissent seul ou à deux, des mots croisés , mots mêlés...
  • Faire inventer un slogan (type publicité) ou une phrase originale pour résumer et retenir une règle. Exemples : "tu tiens toujours son s en laisse", "mais ou et donc or ni car"...
  • Plus original encore, faire mimer une leçon. Derrière cette pratique se cache le questionnement sur la notion et sa mise en forme par le corps. Exercice difficile mais très riche et qui facilite grandement la mémorisation.

Articles connexes :

L'apprentissage adaptatif
Hop-là !
Le palais mental
Sur le site lemonde.fr, une interview du neurologue Bernard Croisile


* Image d'en-tête par Ben Rock - Pixabay