Cela va faire trois ans (rentrée 2016) que le nouveau socle commun fait partie de nos vies d'enseignants. Il s'inscrit dans le cadre de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'École du 23 avril 2005. Peut-être faites-vous partie de ceux qui s'imprègnent régulièrement des textes fondateurs et des lois que nous devons appliquer ? Peut-être pas. Alors je vous propose une petite balade.
J'ai voulu revisiter les référentiels sous un angle particulier, celui des compétences transversales et filtrer celles qui me semblent fondamentales. Ces compétences déclarées incontournables pour le XXIe siècle, que nos petits élèves - dont nous assumons un petit bout d'éducation - doivent « absolument » maitriser pour affronter le monde de demain, sont d'autant plus cruciales qu'elles s'appliquent, comme leur nom l'indique, à tous les champs disciplinaires et interviennent dans le monde de l'entreprise où on les nomme soft skills (compétences douces en complément des hard skills, compétences métier).
Lire, écrire et compter sont des fondamentaux de l'enseignement depuis des lustres ; ce sont les « compétences squelette » des élèves. Développer les compétences transversales est tout aussi important. Ce sont les « compétences articulations » : elles donnent du sens et permettent de s'adapter au monde changeant et de s'épanouir comme membre social. Même si elles ne sont pas systématiquement travaillées en tant que telles aujourd'hui par les enseignants, elles sont vécues par les élèves au jour le jour. Les éducateurs que nous sommes doivent être en mesure les identifier et de les définir afin de mieux accompagner leur construction chez les élèves et de surtout mettre en œuvre des situations pédagogiques qui leur permettent de se les approprier.
Des termes variés sont utilisés pour désigner ces compétences du XXIe siècle1 : compétences non techniques, compétences transversales, compétences polyvalentes, compétences non cognitives. Elles englobent les compétences relationnelles, les aptitudes personnelles, les compétences liées à la citoyenneté mondiale, la connaissance des médias et de l’information, le sens critique...
Des textes de référence
Trois référentiels sont inspirants sur le sujet :
- le Cadre d’action pour la mise en œuvre de l'Objectif de développement durable 4 de l'UNESCO
- le cadre européen des compétences clés
- le socle commun de connaissances, de compétences et de culture.
Le Cadre d’action pour la mise en œuvre de l'Objectif de développement durable 4 de l'UNESCO2 guide les pays dans la mise en œuvre de l’agenda Éducation 2030. En voici trois extraits :
« Une éducation de qualité favorise la créativité et les connaissances, et garantit l’acquisition des compétences fondamentales en lecture, écriture et calcul, ainsi que des compétences en matière d’analyse et de résolution de problèmes, et d’autres aptitudes cognitives, interpersonnelles et sociales de haut niveau. Elle développe également les compétences, les valeurs et les attitudes qui permettent aux citoyens de mener une vie saine et épanouissante, de prendre des décisions éclairées et de relever les défis locaux et mondiaux, grâce à l’éducation en vue du développement durable (EDD) et à l’éducation à la citoyenneté mondiale (ECM). »
« Il est urgent de doter les enfants, les jeunes et les adultes, tout au long de leur vie, des capacités et des compétences flexibles dont ils auront besoin pour vivre et travailler dans un monde plus sûr, plus viable, plus interdépendant, davantage fondé sur les connaissances et de plus en plus tributaire de la technologie. »
« Éducation 2030 garantira que toutes les personnes acquièrent une solide base de connaissances, élaborent une pensée créative et critique, ainsi que des compétences collaboratives, et développent curiosité, courage et résilience. »
Le cadre européen des compétences clés3 propose une définition du concept de compétence pour les compétences clés. Il s'agit d'une combinaison de connaissances, d’aptitudes et d’attitudes appropriées à chaque contexte. Les compétences clés fondent l’épanouissement personnel, l’inclusion sociale, la citoyenneté active et l’emploi. Parmi huit compétences clés, on peut retenir :
- les compétences numériques : l’usage sûr et critique des technologies de l’information et de la communication au travail, dans les loisirs et dans la communication
- apprendre à apprendre : l’aptitude à gérer efficacement soi-même son apprentissage, à la fois de manière individuelle et en groupe
- les compétences sociales et civiques : l’aptitude à participer de manière efficace et constructive à la vie sociale et professionnelle et à s’engager dans une participation civique active et démocratique, notamment dans des sociétés de plus en plus diversifiées
- l'esprit d’initiative et d’entreprise : l’aptitude à passer des idées aux actes par la créativité, l’innovation et une prise de risques, ainsi que la capacité de programmer et de gérer des projets
- la sensibilité et l'expression culturelles : l’appréciation de l’importance de l’expression créatrice d’idées, d’expériences et d’émotions sous diverses formes...
Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture4 identifie les connaissances et compétences qui doivent être acquises à l'issue de la scolarité obligatoire.
Celle-ci poursuit un double objectif de formation et de socialisation. Elle donne aux élèves une culture commune, fondée sur les connaissances et compétences indispensables, qui leur permettra de s'épanouir personnellement, de développer leur sociabilité, de réussir la suite de leur parcours de formation, de s'insérer dans la société où ils vivront et de participer, comme citoyens, à son évolution.
Et les softs skills là-dedans ?
En parallèle des compétences scolaires, le monde de l'entreprise attend des compétences professionnelles de ces futurs adultes travailleurs. De nombreux articles et sites web traitent du sujet, en particulier des Soft Skills5, ces compétences comportementales qui désignent les aptitudes personnelles démontrant un haut degré d'intelligence émotionnelle.
J'ai sélectionné sept compétences à la croisée de ces attendus scolaires et professionnels. Ils sont à enclencher dès l'école primaire, première étape de la formation tout au long de la vie.
Ces compétences sont difficilement mesurables ou isolables puisqu'elles sont interdépendantes et impliquent des aspects complexes comme les émotions de la personne ou les connections multiples que celle-ci établit avec son environnement.
1. La créativité est à initier dès la maternelle et à stimuler tout au long de la scolarité. Les enseignants doivent être pilotes et force de proposition pour inciter les élèves à développer cette compétence. Tel un code universel, la créativité se manifeste dans des activités de manipulation (crayons, perles...), de construction (Lego, cubes...), d'écriture, de recherche scientifique... L'ingéniosité, en constante évolution, peut alors ouvrir les portes de possibilités infinies. Cultivons l'imagination de nos élèves.
2. Faire face à tout type de situation, être adaptable, concerne toutes les espèces vivantes, y compris les êtres humains. C'est une clé de survie. Dans son environnement l'élève doit apprendre à se tenir au courant, à réagir aux évènements et opportunités. S'installer dans des modes de fonctionnement et s'en tenir aux idées préconçues sont des risques majeur d'isolement et de dérive. Les changements, voire les mutations planétaires, dans les domaines de la communication, des technologies, du commerce, de la virtualisation... nécessitent un esprit ouvert, une capacité à remettre en cause les habitudes et à vivre dans une constante évolution.
3. Pour cela, savoir gérer et critiquer l'information est une compétence primordiale. L’information est aujourd'hui foisonnante et immédiatement disponible où que l'on soit sur le globe. Cette situation implique pour l'élève de savoir collecter, trier et traiter les informations qui lui sont utiles. Exercer sa pensée critique exige de réfléchir de manière indépendante et en tenant compte de son environnement. L'élève doit être éduqué aux médias et à l'information pour détecter les « fake news », les signaux d'alerte.
4. Collaborer est une compétence vaste qui suppose la maîtrise de compétences plus fines, comme la maîtrise des règles de communication, l'empathie, ainsi que des habiletés plus techniques, en particulier dans le domaine du numérique. Dans l'éducation, savoir travailler de manière collaborative est une compétence précieuse, qui se développe au fil du temps et requiert une adaptation permanente. L'enseignant doit mettre en place des situations de travail collaboratif régulièrement et dans la plupart des matières pour déclencher des échanges et permettre la construction d'habiletés en travail en commun.
5. Savoir communiquer de manière optimale exige du temps. A l’école, les élèves doivent communiquer habilement pour collaborer, résoudre des défis et partager leurs pratiques. Argumenter ses propos face à ses camarades s'apprend et s'exerce, tenir compte de son auditoire ou des ses interlocuteurs aussi. L'omniprésence des outils numériques requiert une formation perpétuelle et une adaptation des élèves usagers.
6. La capacité à résoudre des problèmes permet de s'adapter aux évolutions de la société, qu'elles soient sociales ou technologiques. Cela exige de savoir identifier et analyser les problèmes rencontrés afin de penser des solutions et de les mettre en œuvre. Cette compétence s'applique au travail mais aussi à la vie quotidienne. A l'école, la résolution de problèmes, essentiellement en mathématiques, amène les élèves à chercher, formuler des hypothèses, mettre en oeuvre des stratégies, et confronter des idées pour aboutir à un résultat.
7. Au XXIe siècle, apprendre à apprendre est plus que jamais d'actualité. Quelques pré-requis sont nécessaires : la maitrise de l’écriture, de la lecture, du calcul et quelques compétences numériques. Sur ce socle, un élève doit être en mesure de chercher à acquérir des savoirs et savoir-faire, ainsi que d’organiser son propre apprentissage selon ses besoins et son rythme. C'est un sujet en perpétuelle évolution. Internet facilite la construction de cette compétence avec les tutoriels vidéo, les cours en ligne, les MOOC6… L'école doit tenir compte de cette tendance et proposer des activités qui ne sont pas une version simplifiée ou ennuyeuse de ces cours accessibles et dynamiques. L'école doit leur être complémentaire.
Aucune de ces compétences ne prévaut et leur interdépendance saute aux yeux. Si l'on s'aventure dans l'univers de l'entreprise auquel la majorité des élèves se destine, on réalise à quel point le degré de pertinence des enseignants doit être pointu. Un défi se pose alors, celui de leur formation à ces mêmes compétences technologiques et numériques, aux réseaux sociaux, à la maîtrise des médias et à la critique des sources.
Un prof sachant enseigner doit savoir se former sans souci.
1OCDE (2013). Les compétences recherchées au XXIe siècle. Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2013 : Premiers résultats de l’Évaluation des compétences des adultes, chapitre 1.
2Organisation des Nations Unies (2015). Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030.
http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/70/1&Lang=F
3Compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie – Un cadre de référence européen (Journal officiel de l’Union européenne du 30 décembre 2006 – JO L 394)
http://opc-sfc.eu/IMG/pdf/201509_a_integrer_dans_le_site_keycomp_fr.pdf
4Décret n° 2015-372 du 31 mars 2015 relatif au socle commun de connaissances, de compétences et de culture (JO du 2-4-2015 ; BOEN n°17 du 23-4-2015)
5Le réflexe soft skills : les compétences des leaders de demain – Julien Bouret, Jerôme Hoarau et Fabrice Mauléon – Dunod 2014
6MOOC (Massive Open Online Course) ou formation en ligne ouverte à tous : type ouvert de formation à distance intégrant un grand nombre de participants.