Toute personne enseignante a entendu parler un jour de la fameuse circulaire de 1956 qui interdit les devoirs à la maison. Alors, légende urbaine ou vraie interdiction ? On fait le point sur les différents textes officiels qui ont marqué "l'histoire" des devoirs et leçons dans un premier temps, puis quelques pistes et ressources pour leur mise en œuvre.

Cadre historique et légal des devoirs

Pas facile de s'y retrouver parmi les nombreuses parutions du BO ! Nous avons décortiqué quatre textes officiels qui nous semblent importants dans "l'histoire des devoirs".

Circulaire du 29 décembre 1956

Commençons par l'extrait de la circulaire qui a le plus fait couler d'encre :

Enfin le travail écrit fait hors de la classe, hors de la présence du maître et dans des conditions matérielles et psychologiques souvent mauvaises, ne présente qu’un intérêt éducatif limité.
En conséquence, aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandé aux élèves hors de la classe. Cette prescription a un caractère impératif et les inspecteurs départementaux de l’enseignement du premier degré sont invités à veiller à son application stricte.

La circulaire stipule bien que le devoir écrit en dehors de la classe est à proscrire, mais on peut continuer à en donner en classe : 30 minutes par jour sont prévues sur une semaine de 30h. Mais si on parle de "devoirs en classe"... quelle définition la circulaire de 1956 en donne t-elle ? Deuxième extrait :

Le “devoir” se distingue de “l’exercice” en ce que, tandis que celui-ci permet de s’assurer sur-le-champ si une leçon a été comprise, celui-là permet, en outre, de mesurer l’acquis de l’élève et de contrôler ses qualités de réflexion, d’imagination et de jugement. Il exige de l’enfant un effort personnel et soutenu, une mise en forme et “au propre” utiles à sa formation, à celle de son esprit comme à celle de son caractère ; il ne saurait être question de le priver des bénéfices qu’il peut en retirer.

Ici, le devoir n'a donc pas la définition large que celle que l'on entend aujourd'hui, à savoir un "travail à la maison". Il désigne un exercice de réflexion et de réinvestissement, plus poussé qu'un exercice d'application, qui pourrait être fait en classe ou à la maison.
C'est l'emploi de ce terme qui a pu engendrer des raccourcis du type : "les leçons sont interdites depuis 1956". On incite à ne plus faire de devoir de réinvestissement écrit à la maison, mais on n'interdit pas les leçons, comme indiqué plus loin :

Libérés des devoirs du soir, les enfants de 7 à 11 ans pourront consacrer plus aisément le temps nécessaire à l’étude des leçons, étude qu’il conviendra de borner selon l’âge de nos élèves, à la mémorisation de très courts résumés ou de quelques vers de la récitation, à la lecture d’une demi-page ou d’une page.

Cependant, cet écrit est à prendre avec des pincettes car ni la société, ni les horaires de classe ne sont comparables à ceux d'aujourd'hui (pour plus de précisions, vous pouvez consulter cette parution de Pierre Caspard dans Le Monde). Une circulaire n'est pas une loi et n'a donc pas de caractère obligatoire. De plus, la circulaire du 15/09/1994 (voir ci-dessous) a également abrogé ce texte qui n'a donc plus aucune valeur.

Circulaire du 15 septembre 1994

On repère des similitudes avec ce qui était proposé en 1956 :

  • 30 minutes par jour sont consacrées à la réalisation des devoirs sur temps de classe (études dirigées).
  • Les devoirs en classe désignent des situations de réinvestissement des connaissances, d'intégration de méthodes pour s'organiser ou mémoriser. Ils peuvent concerner toutes les matières.
Les acquis ne sont réels que lorsque les élèves sont capables de les réinvestir non seulement dans des situations analogues à celles de l’apprentissage, mais encore dans des situations différentes. C’est le but des devoirs proposés lors des études dirigées. Ils se distinguent des exercices écrits et oraux d’application réalisés à la suite d’une séquence d’enseignement, qui sont destinés à vérifier sur le champ la bonne compréhension de la leçon.
  • On y rappelle que les devoirs écrits en dehors de la classe sont à proscrire, et qu'il faut plutôt appuyer sur la mémorisation et le travail à l'oral.
  • On insiste sur l'acquisition de méthodes pour gagner en autonomie, plus facile à travailler en classe, et sur des leçons plus légères pour réduire les inégalités sociales.

Circulaire du 5 juin 2008

Ce texte officiel explique la mise en place de l'aide personnalisée : on reste dans l'esprit d'un temps de soutien encadré par l'enseignant, mais pour certains élèves uniquement, et en dehors du temps de classe :

Les élèves rencontrant des difficultés bénéficient, au-delà du temps d’enseignement obligatoire, d’une aide personnalisée de 2 heures maximum par semaine selon des modalités définies par le projet d’école (par exemple, une demi-heure par jour, une heure deux jours par semaine, etc.)

Loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République

On se souvient de cette loi, très dense en contenu et modifications, comme de celle de la "réforme des rythmes scolaires". Elle définit enfin clairement le statut des devoirs écrits à la maison :

Enfin, cet aménagement permettra à l'école d'assurer l'aide au travail personnel, pour tous les enfants, dans le temps scolaire et d'offrir à de petits groupes d'élèves, après le temps de classe, des activités pédagogiques complémentaires.
Cette réforme des rythmes va permettre de rendre effective l'interdiction formelle des devoirs écrits à la maison pour les élèves du premier degré.

Cette interdiction est d'ailleurs toujours indiquée dans les fiches pratiques sur le thème de la scolarité, sur le site du service public.

En résumé...

Les devoirs écrits sont bien interdits à la maison, comme les textes du BO l'ont rappelé de 1956 à aujourd'hui. Cependant les leçons orales ou à mémoriser sont autorisées.
Ainsi, un parent ne pourrait pas dire à un enseignant qu'il n'a pas le droit de donner de leçons ; mais un enseignant ne serait pas autorisé à donner une punition à un élève qui n'aurait pas fait un devoir écrit à la maison.
L'interdiction du devoir écrit ne signifie pas non plus l'interdiction d'écrire. Pour mémoriser des mots de dictée, par exemple, la plupart des enfants passeront par une phase d'écriture des mots.

On voit émerger, au fil du temps, l'idée d'un accompagnement "entre l'école et la maison" : étude, aide aux devoirs en classe, aide personnalisée, APC, ... Quel que soit leur nom, ces temps (soutien scolaire ou travail réalisé "autrement") sous la surveillance de l'enseignant ont toujours eu pour objectifs :

  • de reprendre les notions vues en classe pour voir si elles ont été comprises, et les mémoriser.
  • d'aider l'élève à gagner en autonomie en l'aidant à trouver des méthodes qui lui conviennent, à s'organiser dans son travail, à maîtriser les codes scolaires, à s'habituer à prendre des décisions par lui-même, etc.
  • de lutter contre l'échec scolaire
  • de mettre en place la différenciation

A quoi servent les leçons à la maison?

Si les devoirs écrits tendent à disparaître, les leçons sont rarement abandonnées dans les écoles. De nombreux enseignants donnent des leçons, pour diverses raisons :

  • Impliquer les familles dans le suivi scolaire de leur enfant. Certains enfants ne racontent jamais leur journée de classe... dans ce cas, les leçons donnent un aperçu de ce qui a été découvert.
  • Mémoriser ou réactiver les notions vues en classe.
  • Donner des repères temporels aux enfants. La ritualisation des leçons ("tous les vendredis nous faisons la dictée de mots") apprennent à l'enfant à appréhender le temps qui passe, à gérer ce qu'il a à faire dans un temps imparti.
  • Apprendre à travailler et s'organiser seul de plus en plus, à utiliser et repérer les codes liés au matériel scolaire ("les mots de la dictée dans le cahier jaune"...), à mettre dans son cartable uniquement ce qui est nécessaire.
  • Donner plus de temps à l'enfant pour éclaircir des zones d'ombre, ou pour en apprendre plus sur un sujet avec l'aide de ses parents ou de sa famille d'accueil, ce qu'il n'est pas toujours évident de faire sur le temps de classe... notamment en ce qui concerne la lecture individuelle à voix haute en cycle 2.
  • Développer le goût de l'effort et du travail, accepter les contraintes... pas facile de se remettre à travailler quand tant de choses bien plus agréables attendent les enfants à la maison !
  • Céder à une certaine pression sociale ou historique, en dehors de toute instruction officielle. La quantité de leçons donnée (trop ou pas assez) est parfois utilisée comme critère de jugement vis à vis de l'enseignant, ou de l'école entière. L'interdiction de donner des devoirs écrits n'est pas toujours respectée par les familles elles-mêmes, qui réclament parfois plus de leçons ou des devoirs écrits.

Les bénéfices des leçons à la maison ont un effet miroir : ce qui est moteur pour certains élèves ou dans certaines situations, sera un frein pour d'autres :

  • La fracture sociale : impliquer les familles oui, mais la tâche est plus ardue lorsque les parents ne sont pas ou peu présents. Et s'ils sont disponibles, quelle relation ont-ils à l'école, à l'apprentissage ? Qu'il s'agisse de la peur de ne pas maîtriser les notions, la langue française, ou de mettre trop de pression sur les épaules de leurs enfants, pas facile de gérer le temps de leçons du soir.
  • Les parents ne sont pas des enseignants : quelles méthodes vont-ils employer ? Quelle sera leur implication dans le suivi ? Sont-ils au courant des codes utilisés dans la classe ?
  • Les leçons peuvent être décourageantes si elles se font toujours à sens unique : si les parents ne suivent jamais le travail de l'enfant, ou s'il n'y a jamais de retour de l'enseignant sur ces leçons (en classe, ou lors des rencontres avec les parents). Trop de leçons, ou des notions trop difficiles à apprendre peuvent aussi transformer des soirées en supplice pour les familles.
  • Si les leçons permettent à l'élève d'apprendre à se gérer, elles font tout de même perdre un certain temps en classe : il faut coller ou rédiger les leçons, faire son cartable, en reparler le lendemain...
  • En règle générale, les leçons concernent essentiellement les mêmes matières : le français et les maths, ce qui ne reflète pas toujours le travail fait en classe.
  • Il existe une sorte de flou institutionnel sur les leçons... On l'a vu avec les textes officiels, mais les inspecteurs avouent ne pas faire beaucoup de retours sur la manière dont l'enseignant gère les leçons, même s'ils l'ont vu en donner ou ont consulté les outils de liaison avec la maison.

Des conseils pour un accompagnement efficace de l'enfant entre école et maison

Pour stimuler le suivi entre école et maison

La réunion de classe de début d'année est le temps privilégié pour donner des précisions sur les leçons à la maison :

  • Prenez le temps de présenter le matériel scolaire qui transitera entre école et maison, pensez à une page de garde claire. Donnez une liste du petit matériel indispensable à avoir à la maison pour le soir.
  • Expliquez comment se fera le retour sur les leçons en classe : récitation, rituels journaliers d'écriture, quiz, ...
  • Donnez quelques conseils pour offrir à l'enfant un environnement confortable pour faire ses devoirs : après avoir fait une bonne pause entre école et maison, à une heure fixe si possible pour ritualiser ce temps, loin des sources de divertissement, etc.
  • Définissez le temps moyen à passer sur les devoirs, à ne pas dépasser au risque de "s'acharner" sur l'enfant. Encouragez les parents à vous contacter si ce temps est régulièrement dépassé.
  • Prévoyez et donnez les devoirs à l'avance, afin d'éviter le rush de dernière minute, et pour que les élèves apprennent à s'organiser, en fonction de leurs activités extra-scolaires ou des contraintes familiales.

Une réflexion d'équipe peut être menée pour harmoniser les outils autour des leçons, afin d'aider les parents à mieux accompagner leur(s) enfant(s) et prendre des automatismes dans la gestion des leçons. On peut aussi réfléchir aux moyens de communiquer avec les familles de manière globale ou de les impliquer dans le suivi de leur enfant. Voici quelques repères :

  • Proposer des documents d'accompagnement aux leçons, avec des conseils et des astuces : guides officiels, par exemple autour des compétences numériques, ou fiches préparées par les enseignants de l'école.
  • Mettre en place un journal ou un blog d'école
  • Faire des Portes Ouvertes sur temps de classe ou hors temps de classe mais avec des activités prévues pour les élèves et leurs parents.
  • Sur Eduscol, le lien de la mallette des parents peut être un appui pour les familles, si elles souhaitent clarifier certains points liés à la culture scolaire et aux programmes. En tant qu'enseignant, on peut aussi y trouver des kits pédagogiques autour de la prise en compte des parents dans la vie de l'école.
  • Utiliser les mêmes moyens de communication sur l'école : cahier de liaison papier ou numérique, ENT, mail, téléphone...
  • Rendre compte des acquis et progrès des enfants aux parents par le biais du LSU

En complément, des dispositifs existent pour aider les familles à mieux suivre la scolarité de leurs enfants : soutien scolaire ou aide aux devoirs (très souvent proposée sur le temps périscolaire) via des associations ou des personnes, dispositif "devoirs faits" au collège... N'hésitez pas à clarifier également les objectifs de travail avec les personnes responsables ou à guider les parents vers ces dispositifs.

Devoirs faits : un temps d’étude accompagnée pour réaliser les devoirs
Il est proposé aux collégiens, dans leur établissement, un temps d’étude accompagnée pour réaliser leurs devoirs. Cette étude est gratuite. Chaque enfant doit pouvoir travailler individuellement, au calme, pour faire des exercices, répéter ses leçons ou exercer sa mémoire et son sens de l’analyse, a…

Les temps d'échanges avec les familles sont en général nombreux en dehors du temps scolaire : portes ouvertes, rendez-vous de parents, fêtes et animations, conseils d'établissement... le suivi peut être renforcé en faisant venir des personnes de l'entourage sur le temps scolaire : ateliers bricolage, cuisine ou jeux de société ; partage d'expériences ; journées sportives, etc.
Depuis 2017, le dispositif OEPRE (Ouvrir l'École aux Parents pour la Réussite des Enfants) permet même aux parents étrangers primo-arrivants de se former dans les écoles, collèges et lycées.

Des ressources numériques pour rendre le travail à la maison plus ludique

Les écrans ne sont pas toujours à bannir : une petite vidéo explicative ou des jeux pédagogiques ayant parfois plus de poids, vous pouvez proposer ponctuellement des liens vers des capsules vidéo ou une liste de chaînes et sites internet pertinents pour les enfants et les parents. Voici quelques exemples :

CP: Apprendre et réviser les fondamentaux | Lumni
Lumni est une offre de contenus multimédias gratuits pour les élèves, parents, enseignants et médiateurs, qui permet un accès à la culture, au savoir et à la connaissance.

Ces différentes ressources peuvent rentrer dans le cadre de la classe inversée. Cette pratique consiste à donner le cours théorique ou des activités de plus "bas niveau cognitif" en leçon à la maison, et réserver les activités de recherche et de réinvestissement pour l'école. Si elle est plutôt utilisée au collège, la classe peut être ponctuellement inversée en primaire, ou régulièrement si les conditions techniques le permettent et si les élèves sont suffisamment autonomes.

Educartable au service de la communication avec les familles

Edumoov déploie aussi tous ses efforts pour faciliter la communication et le suivi des enfants entre école et familles. Sur Educartable Portail nous proposons des outils numérique d'aide aux devoirs aux parents : Time timer, calculatrice, texte caviardé.

Avec la nouvelle version d'Educartable Enseignants, vous pouvez désormais paramétrer vous-même des révisions pour apprendre les mots de la dictée, les poésies et les leçons, réviser les tables d'addition et de multiplication... Ces révisions peuvent être intégrées directement aux leçons que vous envoyez aux parents en ligne.

Pour une meilleure inclusion des élèves et des familles allophones, la possibilité de traduire les messages et les leçons a également été ajoutée :

Désormais, il est aussi possible de proposer des jeux pédagogiques récents et ludiques aux familles, concoctés par l'équipe d'Edumoov, à joindre directement à vos leçons du cahier de textes numériques ! Ces jeux pédagogiques sont également accessibles pour les familles, en téléchargeant l'application Kidiquest.