Nous avons eu la chance de pouvoir discuter avec Fabrice, alias Maitre Fafa sur la toile, à propos de sa nouvelle routine matinale sur le cahier de vie d'Educartable. Fonctionnement, évolutions, compétences et motivation des élèves, conseils de mise en place, implication des familles... il nous a livré toutes ses petites astuces !  

Bonjour ! Peux-tu te présenter en quelques mots pour nos lecteurs ?

Je m'appelle Fabrice Rechede, je suis directeur depuis 4 ans et professeur des écoles depuis 9 ans. J'ai deux petites filles de 2 ans et 4 ans. Actuellement je suis en poste dans les Landes, dans un petit village, et j'ai des CM1-CM2.

Comment as-tu eu l'idée de te lancer dans un blog, sur Facebook et Instagram ?

Alors, d'abord j'ai cherché moi-même, en étant jeune enseignant, des idées, des documents déjà tout prêts sur les blogs, quand j'étais notamment en cycle 1 - je ne connaissais pas le cycle 1 - et ensuite en cycle 3. C'était sur des blogs connus : Lutin Bazar, Bout de Gomme ou même Charivari. Bon il faut dire que je suis très très motivé par mon métier, je l'aime beaucoup, donc à partir du moment où j'ai commencé à créer des choses pour mes élèves, je me suis dit "Pourquoi ne pas les partager ?". Ça a commencé d'abord juste par des échanges de mails : j'envoyais les documents de façon privée à des gens avec qui je discutais ou même des collègues assez proches au niveau des circonscriptions.
Et puis après, je me suis dit "Pourquoi ne pas me lancer sur un blog pour partager ?", "Vu que moi j'ai pu en bénéficier pendant longtemps, pourquoi pas partager pour d'autres collègues ?".

http://maitrefafa.eklablog.com/


Et puis après, j'ai vraiment adhéré à Instagram à partir du moment où je me suis un peu lancé. J'avais l'application depuis un moment, mais à partir du moment où j'y ai vu des inspirations de classes, de fonctionnements, de jeux, d'activités, etc, j'ai vu qu'on pouvait s'abonner à une communauté qu'on choisissait nous-même. Moi j'ai choisi forcément beaucoup d'enseignants ! Donc quand j'ai vu toutes les idées que je pouvais piocher, et que même si les personnes avaient 10 000, 20 000 abonnés, on pouvait discuter avec elles, leur poser des questions et surtout piocher des documents à eux sur leurs blogs, je me suis dit, "Et bien pourquoi pas moi à ma petite échelle, me lancer et partager sur mon métier qui me passionne ?". Voilà !

Le compte Instagram de Maitre Fafa.

Alors justement, peux-tu nous présenter le nouveau rituel que tu as récemment mis en place dans ta classe avec Educartable ?
Tout d'abord, comment t'est venue l'idée ?

Alors j'utilise Edumoov depuis 4 ans, mais au début il n'y avait pas encore le cahier de vie. A partir du moment où il y a eu le cahier de vie, j'ai trouvé ça génial pour partager aux familles des photos. Au début, je ne mettais que des photos et après j'ai commencé à mettre du texte. Niveau organisation, c'était assez compliqué : je devais me rappeler de tout ce qu'on avait fait dans la semaine, je faisais ça le vendredi soir assez rapidement pour que le weekend les parents puissent avoir les photos et les quelques phrases sur les activités de la semaine, pour qu'ils puissent en rediscuter avec leurs enfants, ou que leurs enfants leur présentent. J'ai trouvé ça très bien mais je me suis dit, "Il faut que je l'exploite et que ça ne soit pas moi qui écrive le texte - parce que déjà ça me prend du temps- mais que ça soit plutôt les élèves et qu'on arrive à lier tout cela".  Donc j'ai créé un rituel.

Peux-tu nous expliquer le fonctionnement de ce rituel en classe ?

Nous avons des tablettes en classe sur lesquelles j'ai installé l'application et donc les élèves peuvent avoir accès à Educartable et peuvent écrire dessus. Je désigne deux élèves chaque matin. On ne commence pas le lundi matin puisque il n'y a encore rien à raconter sur la semaine. Donc le mardi matin, il y a deux élèves qui écrivent des phrases par rapport aux activités réalisées la veille. Pour l'instant je leur mets à disposition en plus mon téléphone où ils voient les photos prises la veille. C'est pas encore très pratique à ce niveau, il faut que je trouve le moyen de prendre les photos directement avec la tablette. Ce que j'ai fait pour responsabiliser les deux élèves, c'est qu'il y en a un qui écrit sur la feuille, et l'autre écrit sur l'application. L'avantage c'est qu'on peut enregistrer mais on peut ne pas publier. Donc ça permet aux autres, qui vont poursuivre l'activité, de revenir dessus et moi aussi de corriger si besoin avant la publication.
Je vais aussi mettre ça en place au retour des vacances : j'ai imprimé le logo Educartable que j'ai plastifié. Je vais le mettre à un endroit de la classe avec une pince et ils pourront y mettre la feuille où ils ont écrit. Comme ça, le jeudi matin - parce que nous n'avons pas école le mercredi - les élèves qui prendront la suite de cette routine pourront continuer la production d'écrit, l'un sur la feuille et l'autre en reprenant l'application. Puis ils reposeront la feuille. Le vendredi, il y a deux groupes qui passent. Ceux du matin, en routine, écrivent la suite. Et l'après midi, j'ai un temps de régulation avec des élèves qui ont besoin de moi pour retravailler certains notions. Il y a aussi des élèves qui n'ont pas besoin de moi, donc j'en mets deux ou trois sur la routine Educartable. Ils terminent la production d'écrit. Leur objectif c'est d'essayer de voir s'il n'y a pas eu des petites erreurs ou des phrases mal formulées et surtout de terminer avec ce qui a été fait dans la journée.
A partir de maintenant, chaque soir, je mettrai directement dans l'article concerné sur Educartable les photos de la journée que j'ai prises avec mon téléphone.
Une fois que la journée est terminée, j'ai juste à relire, corriger et publier, c'est à dire une surcharge de travail beaucoup moins importante que si je devais tout écrire, et surtout ça valorise le travail des élèves. Je leur demande à chaque fois de signer, de mettre leur prénom, comme ça, à la fin, le vendredi après-midi, on voit tous les élèves qui ont contribué à l'écriture du texte.

D'accord, donc il y a un article par semaine, mais qui est le fruit du travail de plusieurs jours dans la semaine ?

Voilà, c'est exactement ça. Alors pour l'instant c'est ma ligne de conduite, mais si je vois que ça prend bien et que ça fait un peu lourd, un seul article avec trop de photos par rapport à tout ce qui a été fait, on verra peut-être pour faire un article le mardi, un le jeudi et un le vendredi. Je verrai comment ça se passe. Ça peut être une perspective envisageable.  

Combien de temps y consacres-tu généralement dans une journée de classe ?

Alors c'est un rituel qui dure entre 15 et 20 minutes. Pendant que certains élèves sont avec moi pour retravailler une notion ou un exercice, il y a des élèves qui effectuent leur responsabilité. Ils vont donner le nombre d'absents, le nombre de personnes qui mangent à la cantine. Il y en a qui vont réciter leur poésie, il y en a un qui affiche l'emploi du temps. D'autres s'entrainent en français, en mathématiques, en anglais... ça dépend. Et deux autres font cette routine sur Educartable.
Au VPI, ma première diapo de la journée, c'est celle des routines matinales : des petites cases, avec le titre de l'activité, le logo et, si besoin, le matériel. Donc là par exemple c'est le logo Educartable avec la tablette. Et je mets les prénoms des élèves concernés. Et ça change tous les jours.

Le tableau des routines matinales

Au travers de ce rituel, quels sont les principaux objectifs d'apprentissage que tu vises pour tes élèves ?

Mon objectif principal, c'est d'écrire à partir du vécu. Donc produire un écrit à partir de ce que l'élève a fait.
Ensuite, il y a de multiples compétences puisque ça fait travailler les temps du passé, notamment le passé composé, la formulation des phrases.
Et surtout quelque chose qui n'est pas évident : organiser ses idées. Je me suis aperçu, au début, quand j'ai guidé les premiers élèves qui ont fait ce rituel, que ça partait un peu dans tous les sens. Ils ne parlaient pas forcément du début de semaine, ils parlaient de la chose qui leur avait le plus plu ou marqué et ils n'arrivaient pas à être cohérent chronologiquement. Donc voilà, ça sert à travailler la cohérence.
Après, l'objectif, c'est aussi de les amener à utiliser des outils pour éviter les fautes d'orthographe. Alors ils sont habitués quand on fait production d'écrit aussi. J'utilise Eurêka, le dictionnaire orthographique de chez Retz. Pour des mots qu'on n'utilise pas tous les jours, un élève peut aller chercher l'orthographe dans les outils pendant que l'autre continue la production d'écrit. L'avantage c'est qu'on peut revenir dessus sur Educartable.
On travaille aussi l'entraide et la coopération puisqu'ils écrivent à plusieurs.
Egalement, il y a les compétences numériques. Bon, la plupart des élèves savent utiliser les outils numériques mais on peut imaginer qu'ils pourraient le faire aussi sur un ordinateur.
Donc voilà, c'est assez riche.

Trois élèves en pleine rédaction sur la tablette.

Depuis quand as-tu mis en place ce rituel ? Vas-tu le faire évoluer ?

C'est assez récent. C'est depuis la période 3. Et là, je vais vraiment l'institutionnaliser. La période d'avant je l'ai testé avec les "bons élèves", les élèves qui n'avaient pas besoin de moi souvent, qui sont assez autonomes. Et là mon but c'est d'inclure même les élèves en difficulté dans cette routine. Ça va permettre de mettre des tuteurs qui peuvent aider les élèves en difficulté à formuler leurs phrases, à faire attention aux accords, à écrire correctement les conjugaisons. Mon but, en début de période 4, c'est vraiment de montrer la richesse de cette routine et surtout de l'institutionnaliser, de donner vraiment les consignes. Ça va consister, pendant une à deux semaines, à les inciter à aller chercher du matériel pour se relire, chercher les mots compliqués, les inciter à rester dans le sujet. Il y a aura souvent des moments où je regarderai sur mon téléphone, par exemple sur des moments de temps libre dans la journée, pour voir ce qui a été écrit et revenir sur les deux élèves qui ont écrit et pour retravailler le texte avec eux. Ça va vraiment être ça au début, un étayage assez proche, assez poussé, pour lâcher un petit peu au fil du temps et les laisser un peu plus libres dans leurs écrits.

La collègue de Fabrice a créé ce petit guide pour favoriser l'autonomie des élèves sur Educartable

Ressens-tu de l'engagement, de la motivation chez les élèves qui ont déjà effectué ce rituel ?

Ah oui, Comme jamais ! Vraiment ! Alors déjà le fait de travailler sur tablette ou ordinateur ça les motive. En fait, ils n'ont pas l'impression de travailler des compétences de français. Et puis, le fait de savoir que le texte qui va être publié avec les photos de la semaine va être le leur et qu'il va être lu à la maison, ça les rend très fiers et ça les motive vraiment. J'ai vu que c'était vecteur de motivation.
Souvent on fait un conseil de classe chaque vendredi soir et parfois, on a un peu de temps, donc on regarde ce qui a été mis sur le cahier de vie d'Educartable. Ça permet de rappeler certaines choses de la semaine. Par exemple, une semaine avant les vacances, on a lu le texte créé par les élèves. Les quatre élèves qui l'avaient fait étaient très très fiers ! Au début, je n'avais pas pensé à les faire signer parce que je voulais que ce soit la classe qui écrive, mais finalement je me suis dit que ça les motiverait encore plus de signer leurs écrits.  

Les familles sont-elles impliquées elles-aussi ? Si oui, quels retours te font-elles ?

Alors j'avais indiqué en réunion de rentrée et je rappelle régulièrement aux élèves qu'ils n'hésitent pas à y aller avec leurs parents pour expliquer ce qu'on a fait, qu'ils peuvent aimer et commenter les publications. Mais je m'aperçois qu'il y a beaucoup de "j'aime", mais il n'y a pas de commentaire. Ça me déçoit un peu. Il faudrait que je trouve une solution pour qu'il y a ait un échange, peut-être en posant des questions. Pour qu'il y ait un peu plus de ferveur au niveau des commentaires. Des interactions.

Depuis que tu as mis en place ce rituel, y-a-t-il eu d'autres petites choses non satisfaisantes que tu as déjà faites évoluer ?

Oui. Mon défaut au départ a été de retoucher un peu les phrases créées par les élèves. Mais après je me suis dit que non, il ne fallait pas que j'y touche. Si c'est correct syntaxiquement et grammaticalement, autant les laisser, ce sont leurs écrits.
Aussi, j'ai vu qu'ils aimaient bien mettre des émoticônes, des petits smileys. Par exemple, on avait lu L'oeil du loup, donc ils avaient mis un loup, un livre. Au départ je n'étais pas forcément pour, mais finalement je me dis qu'ils sont contents, ça illustre leurs écrits et ça ne gêne en rien le travail. Donc je les ai finalement laissé faire.

Penses-tu que ce rituel pourraient être adapté pour des élèves de cycle 2 ?

Oh oui. Pour des élèves de cycle 2, on pourrait partir d'une photo d'une activité faite justement par l'élève lui-même. Ce serait un inducteur pour écrire. Il pourrait formuler une ou deux phrases, ça dépend du niveau. Début CP, ça pourrait être à l'oral avec dictée à l'adulte. L'élève formule sa phrase, l'enseignant écrit et fait par exemple écrire son prénom à l'élève. Et un peu plus tard, en milieu/fin de CP, voire en CE1, à partir de la photo, c'est l'élève qui écrit sa phrase. Par exemple : "J'ai réalisé une activité artistique à la manière de Mondrian" avec une photo de l'élève qui est en train de peindre ou de colorier. C'est tout à fait adaptable du début du cycle 2 jusqu'au cycle 3.

Pour terminer, quel(s) conseil(s) pourraient-tu donner à des collègues qui auraient envie de se lancer et de mettre en place ce rituel dans leur classe ?

Alors, le premier conseil serait de faire une première séance où on montre les fonctionnalités du cahier de vie d'Educartable. Par exemple, mettre une photo, écrire une phrase, mettre un titre, publier et leur montrer ce que ça donne

Ensuite, il faut faire le rituel en collectif ou en demi-classe dans un premier temps. Donc choisir une photo tous ensemble. Ensuite regarder comment on fait pour aller chercher la photo sur l'ordinateur ou la tablette. A partir de cette photo, écrire une phrase collectivement et publier. Une fois qu'on l'a fait en demi-classe ou en classe entière, on peut leur proposer de la faire en autonomie.

Au début aussi, il ne faut pas mettre toutes les photos. Mettre par exemple une photo par jour et augmenter le nombre progressivement. Moi, maintenant ils sont habitués à avoir une cinquantaine de photos par semaine, mais il n'y a pas une phrase pour chaque photo. Ils sélectionnent les photos eux-mêmes.

Voilà, il faut aller progressivement vers l'autonomie.
Mon idéal, ce serait que les élèves prennent en photos leurs copains en train de travailler et que spontanément ils fassent une phrase et publient l'article sans que forcément je le sache. Mais bon ça demande quand même un lâcher-prise de l'enseignant et une maitrise par les élèves de la tablette et d'Educartable. J'en suis pas encore là, mais par exemple pour les élèves qui sont cette année en CM1 et que je vais avoir de nouveau dans ma classe en CM2 l'année prochaine, pourquoi pas ?

Un grand merci Fabrice pour ton partage ! A bientôt :)