En cette année 2024, il faudrait vivre dans une grotte pour passer à côté des Jeux Olympiques de Paris ! Nombreuses sont les écoles qui en ont fait leur projet d'année. Si l'EPS est une discipline nécessaire et appréciée en général, il reste toujours une poignée d'enfants qui ne s'y retrouvent pas, allant parfois jusqu'à se faire dispenser. Que faire pour éviter à ces élèves de devenir "sportophobes" ?

Pourquoi certains élèves fuient-ils l'activité physique ?

Il y a pratiquement autant de raisons que d'élèves ! Pour certains enfants, l'idée même de faire une activité physique, quelle qu'elle soit, sera bloquante. Pour d'autres, c'est juste une activité physique en particulier, ou une caractéristique liée à l'EPS qui les dérange.

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Il y a les élèves qui n'aiment pas l'EPS parce que ça ne correspond pas à leur personnalité :

  • L'activité physique leur provoque des sensations désagréables : la gêne provoquée par l'odeur des chasubles, devoir affronter un adversaire quand on n'aime pas le contact...
  • L'EPS est un temps où les peurs et des angoisses peuvent survenir : peur de l'eau, vertige, peur du ballon, peur de faire perdre son équipe, ...
  • Ils n'ont pas reçu la culture du sport dans leur milieu familial et doivent développer plus d'efforts pour comprendre ce qui est attendu d'eux : règles du jeu, maîtrise des techniques, consignes de sécurité pour ne pas se blesser, etc.
  • La pratique d'une activité sportive les place en contradiction avec leur pratique religieuse.

Ceux qui vivent mal l'EPS par rapport à l'angle "sociétal" :

  • Difficulté à gérer son image ou à contrôler son corps face au regard de l'autre (pudeur, manque de confiance, situations de harcèlement scolaire, gestion du handicap, ...)
  • Peur d'être jugé en fonction des vêtements de sports portés : pas de vêtements de marque, vêtements abimés ou troués...
  • Difficulté à trouver sa place dans une activité en particulier, quand celle-ci renvoie à des stéréotypes genrés ou culturels difficiles à déconstruire. Problème à double sens : soit l'enfant n'ose pas dire qu'il aime un sport plutôt pratiqué par l'autre sexe ou dans un milieu social qui n'est pas le sien (selon les clichés) ; ou alors il n'est pas à l'aise avec certains sports parce qu'il a été culturellement et socialement éduqué pour ne pas s'y intéresser.

Et enfin, les raisons purement physiques :

  • Elèves peu endurants, ou maladroits, ou qui n'ont pas la pugnacité pour s'entraîner régulièrement et progresser
  • Elèves en situation de handicap
  • Gestion de l'hygiène en EPS (odeurs, transpiration ...)
  • Malaise face aux premiers changements de son corps vers la fin du primaire

    Cet article donne des pistes pour repérer et mieux aider à prendre en compte les élèves mal à l'aise en EPS, sachant qu'il n'y a pas de recette miracle... Bien sûr, prendre en compte les élèves peu sportifs ne doit pas se faire au détriment de ceux qui adorent l'EPS et s'y épanouissent : on ne parle pas de ne plus faire d'EPS, ou de réduire les exigences pour ceux qui aiment ça.

Mettre en avant les apprentissages réalisés en EPS plutôt que la compétition

L'enseignant a un rôle important à jouer, par sa posture ou dans sa préparation de classe. Un enseignant qui met exclusivement en avant la compétition, ou la recherche de la performance uniquement, ne créera pas une atmosphère sereine. Par contre, un enseignant dynamique (dynamique ne voulant pas forcément dire sportif), qui n'hésite pas à discuter, faire des démonstrations ou participer montrera qu'il s'implique avec et pour ses élèves. Par son attitude, il peut mettre en avant l'importance d'analyser sa pratique pour progresser, tout en gardant plaisir à faire l'activité.

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Observez, évaluez, analysez

Comme dans toute discipline, il est nécessaire d'observer et discuter avec ses élèves pour évaluer leurs points faibles ou leurs points forts, et leurs craintes. Cela vous permettra de leur fixer des objectifs atteignables, sur lesquels ils pourront focaliser leur attention et leur permettront d'être en situation de réussite. Vous saurez davantage quelles responsabilités et rôles donner à chacun dans les temps collectifs, si vous devez faire des groupes de besoins, ou quelles activités proposer en fonction des appétances de vos élèves.

L'académie de Lille propose un outil intéressant pour observer et évaluer les élèves dans les principaux domaines de l'EPS.

Trouver les mots justes pendant les temps d'EPS

La différence entre l'EPS à l'école et le sport en dehors, c'est que vos élèves n'ont pas tous choisi d'être là ! Cet article du SNEP aborde la particularité de l'EPS à l'école.

Ne sous-estimez pas le pouvoir du langage ! Plutôt que d'insister sur "la gagne", parlez plutôt de faire des progrès, de se dépasser, de passer un bon moment ensemble. De même, "faire un jeu" est moins stressant que "faire un match", "faire de l'EPS" plus juste que "faire du sport". Dédramatisez l'activité : vos élèves ne se préparent pas pour les JO !

Expliquez aussi pourquoi l'activité que vous pratiquez aujourd'hui est intéressante, du point de vue de la santé, des muscles mis en jeu, quelles techniques elle développe... Voir l'EPS comme une science du corps et du vivre ensemble change beaucoup dans la perception qu'on peut en avoir !

Avant une performance, demandez aux élèves de reformuler ce qu'ils ont compris, ou de redire les règles du jeu. Vous pouvez aussi nommer quelques élèves responsables de l'échauffement, qui tournent à chaque séance. Ce rituel permet de n'oublier personne, d'expliquer les bons gestes, ou les corriger si besoin.

Durant la performance des élèves, veillez à ne pas encourager ou conseiller toujours les mêmes (qu'ils soient doués ou non). La bienveillance n'empêche pas la critique constructive. Il vaut mieux faire un commentaire à un élève si on pense qu'il ne fait pas correctement ce qui est demandé, plutôt que de constamment l'ignorer parce qu'on a peur de le blesser.

Après l'activité, soignez vos "feedbacks" : vous aurez toujours des élèves qui feront un retour de manière spontanée, mais ce sont souvent ceux qui maîtrisent !

  • Interpellez les élèves les plus discrets pour leur demander leur ressenti, afin de leur montrer qu'ils sont écoutés. Rebondissez sur les sensations désagrables évoquées (difficulté à respirer, courbatures, point de côté...) en demandant si d'autres personnes ressentent la même chose : ce sera probablement le cas chez les élèves qui aiment et font de l'activité physique. Le but est de montrer que ces réactions sont normales, mais que tout le monde ne les gère pas de la même manière. On pourra expliquer ce qui cause ces réactions, pourquoi elles ne sont pas perçues de la même manière par tous, et ce qui peut les réduire ou les rendre tolérables.
  • Utilisez le tutorat : un élève qui a de l'entraînement "coache" un élève peu sportif. Il s'engage à l'accompagner pour répondre à ses questions, à le conseiller, à l'encourager. En se basant sur ce contrat, et par l'observation de faits (prise de pouls, essouflement), certains élèves prendront conscience que tout le monde ne part pas avec le même bagage et que ce qui leur paraît inné ne l'est pas pour tous. Ils devront alors analyser leur propre pratique et celle de leur camarade pour le guider. Activité à proposer uniquement si les binômes fonctionnent dans le respect évidemment.
Image : RoboMichalec

Evitez le "syndrome du dernier pris dans l'équipe"

On ne peut pas détacher le sport de la compétition ou de la performance, mais il existe différents moyens d'atténuer la sensation d'être "le maillon faible" de la classe au moment de la constitution des équipes :

  • Evitez la constitution des équipes par les élèves les plus sportifs ou populaires. Il vaut mieux faire les équipes vous-mêmes, ou tirer au sort. Si vous choisissez un capitaine pour faire les équipes, essayez de les faire argumenter leur choix pour être le plus fair play possible, ou laissez-les commencer la constitution, mais finissez-la pour ne pas toujours laisser les mêmes sur le carreau.
  • Ne proposez pas systématiquement deux équipes (avec ou sans spectateurs à côté). Vous pouvez organiser des jeux collectifs par équipe en fonction du niveau sportif, par affinités, ou en fonction de ce que recherchent les élèves : des jeux sportifs entre élèves qui aiment la compétition, et d'autres pour ceux qui veulent juste jouer sans trop de prise de tête !
  • Faire des roulements au sein des équipes : que chacun passe dans chaque rôle, ou changer la constitution des équipes plusieurs fois dans la séance, pour que l'accent ne soit pas toujours mis sur les mêmes (positivement ou négativement).
  • Dans certaines situations, vous pouvez choisir un élève peu sportif comme capitaine pour faire les équipes. Mais cette façon de faire peut être à double tranchant et empirer les choses : l'attention est portée sur l'élève qui n'en demande en général pas vraiment, il va avoir l'impression de mal faire, surtout si les enfants sportifs font des retours négatifs.
  • Pratiquez régulièrement des activités d'opposition face à face (lutte, badminton, ...) où il est plus facile de mettre ensemble des profils qui se font confiance.
  • Proposez le moins possible de jeux d'élimination, qui isolent rapidement et régulièrement les élèves les moins forts ou les moins appréciés... et amplifient les tensions durant la constitution des équipes.
Image : Jarmoluk

Accueillir tous les profils

Délimiter des cadres rassurants

Malgré tous vos efforts, vous aurez toujours des élèves qui ont peur, ou n'aiment pas s'engager dans les activités physiques. Il faudra le prendre en compte pour ne pas que la situation devienne particulièrement désagréable.

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  • Proposer des matinées, ou des temps de rencontres sportives avec les familles. Les parents ne sont pas forcément plus sportifs que les enfants... Ils se soutiendront !
  • Les enfants ont des doudous comme objet transitionnel. Le principe peut s'adapter aux temps d'EPS. Certains élèves auront besoin de porter un vêtement ou un accessoire dans lesquels ils se sentent plus à l'aise. D'autres auront besoin de triturer un objet, ou d'être dans la même équipe qu'un camarade de confiance. On voit tellement de sportifs superstitieux embrasser des médailles ou reproduire toujours les mêmes gestes (Laurent Blanc, Nadal, ...), pourquoi vous ne laisseriez pas vos élèves avoir leurs petits grigris eux aussi, si ça leur permet d'aller mieux ?
  • Si vous avez déjà des élèves réglées ou dont le corps se développe précocément, restez attentifs à leurs questions ou aux remarques qui pourraient être lancées par les autres camarades. Pensez au nécessaire (toilettes à proximité, emporter le nécessaire pour se changer si besoin).

Certaines activités (natation, gymnastique, escalade...) peuvent être éprouvantes pour les élèves pudiques ou qui ont des peurs. Il paraît assez naturel de faire des groupes de niveaux pour que chacun aille à son rythme, d'avancer petit à petit dans un milieu peu connu, ou de proposer du matériel adapté (flotteurs, frites, lunettes, pince-nez...) ou encore de ne pas trop forcer et insister s'il y a blocage. Mais en plus :

  • Si l'activité ne se déroule pas dans un lieu connu, prendre le temps de présenter les activités, le matériel rencontré (par des photos par exemple), de se rendre disponibles pour écouter les angoisses des élèves ou qui ont besoin d'un matériel/aménagement spécial.
  • S'aider de la littérature de jeunesse :
  • Aborder des faits, des notions scientifiques pour essayer de réduire l'appréhension : par exemple, expliquer que le fait de gonfler ses poumons d'air assure une meilleure flottabilité dans l'eau.
  • Dans les vestiaires, repérer des endroits moins "exposés" (coins de la pièce, derrière une porte...) ou demander à des parents accompagnateurs de faire "paravent" avec leur corps ou des serviettes pour les élèves les plus pudiques.
  • N'attirez pas l'attention sur la tenue des élèves par des commentaires ou des moqueries devant le groupe entier. S'il y a un souci, il vaut mieux en rediscuter en privé ensuite (ou en avoir discuté avant).
  • Au moment d'aller dans le bain, vous pouvez prévoir des arrivées par groupe, en faisant partir les plus pudiques ou craintifs en premier.

Effriter les stéréotypes

Selon cet outil de Canopé sur le féminin-masculin en EPS, s'adressant plutôt aux professeurs du lycée, "des analyses montrent que ces différences biologiques (entre filles et garçons, ndlr) ne sont pas si radicales au point de se distinguer nettement les unes des autres. En réalité, les potentialités se chevauchent. Ce sont les moyennes qui traduisent de manière hâtive des différences irréductibles. La catégorie des garçons courant par exemple en moyenne plus vite que la catégorie des filles, on en vient par simplification à considérer que chaque garçon devrait obtenir des performances plus élevées à la course, ou qu’il serait surprenant qu’un garçon soit devancé par une fille".

En primaire, on pourrait se dire que les élèves ayant encore leur corps d'enfants, ces différences sont atténuées et que la mixité est "facile". En effet, en règle générale, il est assez commun de faire des équipes mixtes ou d'évaluer filles et garçons sur les mêmes critères techniques. A cet âge-là, ce sont plutôt les stéréotypes qui vont créer un déséquilibre entre filles et garçons. De manière inconsciente, les enseignants peuvent avoir tendance à valoriser les filles dans les activités artistiques, ou de souplesse, et à encourager les garçons dans les activités de performance, de compétition. Restez vigilant sur ce point : il ne faudrait pas qu'un enfant se mette volontairement à l'écart d'une activité parce que "les autres" disent que ce n'est pas pour lui. Mais, ça, c'est encore un autre combat, celui de l'égalité filles-garçons à l'école.
Il est toujours bien de garder en tête quelques exemples de femmes qui ont marqué l'histoire du sport ! N'associez pas non plus les activités artistiques qu'à l'esthétique : on y recherche autant l'exploit physique, le dépassement, la maîtrise technique que dans les autres disciplines sportives (et inversement, on peut toujours trouver de la beauté dans les activités physiques réputées plus violentes, quand on s'attache à la maîtrise des gestes, aux jeux de regards et à la communication, au placement sur un terrain...).

L'école, c'est aussi le bon endroit pour toucher à toutes les activités physiques. Il n'y a pas de distinction entre les "trucs de riches" et les "trucs de pauvres" puisque les élèves ne paient pas de licence, imaginons alors tous les possibles (faisons comme si toutes les écoles avaient aussi un budget correct pour cela... hum). Ci-dessous, un petit exemple vidéo d'un moment puissant, ce qu'on peut obtenir quand on lève des barrières (ce n'est pas à l'école primaire, mais vous avez compris l'idée) :

Faire de l'inclusion en EPS

Vous serez peut-être amené à accueillir un enfant en situation de handicap dans votre classe. Le but n'est évidemment pas de laisser un enfant sur le côté en EPS parce qu'on ne sait pas comment s'y prendre.

Les propositions d'aménagement seront à adapter à la situation de l'élève, ce qui fait beaucoup de possibilités. Les liens suivants fournissent une liste très complète d'aménagements et d'attitudes à suivre :

Du 2 au 6 avril 2024, ce sera la semaine Olympique et Paralympique : l'occasion de mettre en lumière les para athlètes et les para sports.

Le handicap trouve petit à petit sa voix dans les medias, pour sensibiliser au fait que non, le handicap n'empêche pas l'activité physique...

  • ... quand on voit la vidéo "We're The Superhumans", la vidéo promotionnelle des Jeux Olympiques de Rio en 2016, on se dit que c'est même tout l'inverse !
  • Le documentaire de Philippe Fontana « We are People » retrace 150 ans de lutte pour inclure les personnes en situation de handicap dans le sport. (disponible avec un compte sur PolEduc, à partir du cycle 3)
  • La série Paralymquoi, sur les différents sports paralympiques
  • La shortcom Vestiaires, diffusée sur France 2 depuis 2011.

Dans une deuxième partie, nous verrons plutôt des pistes pour varier les approches autour du sport : utiliser la transdisciplinarité, s'intéresser à la culture du sport, différencier les objectifs en fonction des élèves.