Chaque métier ou spécialité a son vocabulaire spécifique, à Edumoov nous en avons bien conscience. Demandez par exemple à un développeur et à un enseignant ce qu’il entend par « IA », la réponse ne sera pas la même ! En tant qu’enseignant, vous êtes amenés à faire de la différenciation, de la remédiation, parfois même de l’individualisation. Même si vous avez forcément entendu au moins une fois ces mots (en réalité surement plus d’une centaine de fois), quelles sont leur signification ? S’agit-il de termes différents pour décrire la même chose, ou existe-t-il une nette différence entre les trois ? (spoiler alert : il y a une différence).

La différenciation

"Tous les chemins mènent à Rome"

La différenciation concerne la classe, ou même le cycle entier. Faire de la différenciation, c’est prendre en compte l’hétérogénéité dans sa classe. En effet, selon les sept postulats de Burns, il n’y a pas 2 apprenants…
… qui progressent à la même vitesse.
… qui soient prêts à apprendre en même temps.
… qui utilisent les mêmes techniques d’étude.
… qui résolvent les problèmes exactement de la même manière.
… qui possèdent le même répertoire de comportements.
… qui possèdent le même profil d’intérêt.
… qui soient motivés pour atteindre les mêmes buts.

Différencier, c’est proposer un projet ou un objectif d’apprentissage communs à la classe, en mettant en place des groupes de besoins pour les atteindre par des chemins différents. Il ne s’agit donc pas d’une pédagogie frontale (tout le monde fait la même chose), ni d’une pédagogie individualisée (chacun a un travail personnel). La différenciation est un ensemble de pédagogies proposée aux élèves pour que ceux-ci trouvent celle qui leur correspond le mieux tout en restant dans un groupe défini, celui de la classe. Elle prend en compte tous les profils d’élèves, et pas seulement ceux qui sont en difficulté scolaire : élèves Haut Potentiel (précocité), avec un handicap, élèves allophones, élèves qu’on a tendance à oublier…

Il existe deux types de différenciation : la différenciation successive, et la différenciation simultanée.  Quand on fait de la différenciation successive, on propose successivement différentes situations d’apprentissages, diverses démarches à l’ensemble de la classe pour atteindre l’objectif. Tous les élèves sont en contact avec toutes les démarches proposées, l’une après l’autre, et « filtrent » celles qu’ils préfèrent.
En différenciation simultanée, tous les élèves travaillent en même temps sur le même objectif, mais avec des tâches différentes. Il s’agit des groupes de besoins. On a défini à l’avance quels seraient les groupes et les moyens donnés.

Différencier, c’est forcément être capable de s’adapter, d’observer, d’analyser le travail des élèves, repérer des différences, mais aussi des similitudes dans leur façon de travailler. Pour cela, l’enseignant doit s’appuyer sur des faits, et l’évaluation diagnostique devient la base de son travail. La différenciation se prépare, se régule et se réajuste tout au long de l’année.

Différencier, c’est jouer sur des variables didactiques (paramètres modifiables pour faire évoluer le savoir) :

  • Le choix des outils et des supports d’apprentissage : le cahier, le manuel, le tableau numérique, les outils à disposition (frises, tableaux de sons…), les outils pour manipuler (tableau de conversion, abaques, étiquettes…)
  • Les contenus : diminution ou augmentation du nombre d’exercices, complexité du texte, définitions mises à disposition à côté d’un texte ou non, illustrations ou non…
  • Les situations d’apprentissage : les élèves peuvent écouter l’enseignant, être en situation de recherche, appliquer une règle, faire une production personnelle…
  • Les démarches d’apprentissage : aller de la théorie vers l’application, ou de l’expérimentation vers la construction du savoir.
  • La formulation des consignes : reformulation de la consigne, complexité (tâche simple/double tâche), consigne donnée à l’ensemble de la classe ou à un groupe en particulier…
  • Les différentes formes d’institutionnalisation : orale ou écrite, résumé écrit par l’élève ou donné, production (vidéo, audio, plastique…), projets présentés à d’autres classes…
  • L’évaluation : orale ou écrite, affichages et aides disponibles ou non, production ou texte à trous, ...

Différencier, c’est aussi jouer sur l’organisation et la préparation de sa classe :

  • Les modalités de groupement : classe entière, groupes de besoins, groupes hétérogènes, travail en autonomie, tutorat, ateliers…
  • La gestion du temps : passer plus de temps sur une notion difficile ou inversement, passer rapidement, voire même ne pas voir une notion comprise par l’ensemble de la classe ; proposer des situations courtes et dynamiques pour garder l’intérêt des élèves ; prendre du temps pour faire des mises en commun, …
  • La gestion de l’espace : tables en rang d’oignons ou en îlots, « coins » jeux, bibliothèque, placement des affichages, …

Enfin, différencier, c’est contrôler son implication d'enseignant dans la démarche d’apprentissage de l’élève.

  • Le degré d’étayage : l’enseignant guide-t-il beaucoup les élèves, ou les laisse-t-il en autonomie ?
  • Répartition du savoir : est-ce l’enseignant qui valide le savoir, ou les élèves ?
  • La place du relationnel : l’enseignant s’adapte au milieu socio-culturel de l’enfant, connaît ses points forts et ses faiblesses, le motive si besoin…

La remédiation

« Que celui qui a manqué une descente, essaye la montée »

Contrairement à la différenciation, la remédiation est pratiquée avec un public d’élèves en difficultés persistantes, pour lesquels la différenciation n’a pas suffi à atteindre les objectifs donnés. Ce n’est pas refaire, répéter la même chose mais plutôt apprendre différemment pour résoudre des difficultés d’apprentissage, combler des lacunes ou faire évoluer des représentations erronées. En remédiation, on va davantage travailler des méthodes, des stratégies (travailler la métacognition, c’est-à-dire « apprendre à apprendre ») plutôt que revoir des notions.

Ainsi, la remédiation intervient elle aussi après évaluation de l’élève, pour faire un état des lieux de ce qui est acquis ou non, et définir les modalités d’aide. Elle demande de la bienveillance et une grande capacité d’analyse du travail de l’élève : être capable d’observer ses productions écrites pour définir la ou les origines des difficultés, prendre le temps de discuter avec lui pour lui faire verbaliser ses représentations, observer ses gestes et réactions pendant un temps de recherche, noter des faits relevés et leur fréquence…
La remédiation (qui est une partie de la différenciation) commence en priorité au sein de la classe, et peut être soutenue si besoin au sein du RASED ou par l’intervention de partenaires extérieurs (orthophoniste, psychomotricien…). Elle peut être menée en groupe lorsqu’une difficulté commune est repérée.

L’individualisation

« Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi! »

L’individualisation est aussi une façon de différencier. Comme son nom l’indique, elle est un système de formation qui permet à l’élève d’apprendre seul (éventuellement à deux dans le cadre d’un tutorat), et à son propre rythme. Travailler l’individualisation dans une classe nécessite de définir plusieurs parcours bien diversifiés, d’enseigner dans un même temps des contenus différents. Un élève qui a un travail individualisé ne travaillera pas forcément le même objectif que le reste de la classe.
Quelques exemples d’individualisation :

  • Lorsque vos élèves utilisent un portfolio dans lequel ils stockent leurs réalisations.
  • Lorsqu’un élève en situation de handicap a un PPS (projet personnalisé de scolarisation)
  • Lorsque vous imposez un thème de travail particulier ou une responsabilité à un élève. Par exemple dans un projet théâtre : « tu t’occuperas des décors »... « toi de souffler les répliques »...etc.

L’individualisation peut se travailler en classe, à un moment donné, ou de manière suivie mais pour quelques élèves seulement. La mise en œuvre pour une classe entière (chacun à un programme personnalisé) est aussi possible mais demande un investissement important.