La phobie scolaire toucherait entre 1 et 2% des enfants en âge d'aller à l'école et est la quatrième cause d'absentéisme à l'école. On vous en parle aujourd'hui.

Qu'est-ce que la phobie scolaire ?


Il n'existe pas de définition exacte de ce terme. Selon la classification des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent R-2012, elle serait une "manifestation d’angoisse majeure avec souvent phénomène de panique liée à la fréquentation scolaire et interdisant sa poursuite sous les formes habituelles". Le Dr Ajuriaguerra parle quant à lui "d’enfants ou adolescents qui, pour des raisons irrationnelles, refusent d’aller à l’école et résistent avec des réactions très vives d’anxiété ou de panique, quand on essaie de les y forcer" (1974). La phobie scolaire est donc une peur panique, un refus de se rendre à l'école, que l'enfant n'arrive pas forcément à expliquer et à contrôler et qui l'empêche, temporairement ou durablement, de suivre sa scolarité.

Le terme même de phobie scolaire n'est pas accepté par tous les professionnels et certains, comme Denis Hélène, lui préfère le terme de "refus scolaire anxieux". En effet, l'enfant n'a pas peur de l'école en tant que telle, mais des situations vécues à l'école. Celles-ci peuvent réveiller des angoisses qui étaient déjà en lui. De plus, les manifestations de la phobie scolaire sont plus complexes que celles des autres phobies.

Comment reconnaître les premiers signes d'une phobie scolaire?

Dans un premier temps, il est important de séparer la phobie scolaire d'autres formes de refus de l'école. Lorsqu'un enfant commence à développer une phobie scolaire :

  • Il ne refuse pas les apprentissages scolaires : ce ne sont pas de mauvais résultats ou un manque de désir d'apprendre qui l'empêchent d'aller à l'école.
  • Il ne fait pas l'école buissonnière : s'il ne va pas en cours, ce n'est pas parce qu'il ne veut pas y aller, mais parce qu'il ne le peut pas. Il ne cache pas son refus d'aller à l'école : il manifeste son angoisse à sa famille.
  • Il ne le fait pas par rapport à une dépendance : rester à la maison pour jouer aux jeux vidéos par exemple.

Les manifestations de la phobie scolaire sont les plus importantes lorsque l'enfant est à l'école, ou au moment de partir de la maison pour s'y rendre. Il s'apaise le weekend et pendant les vacances. Il est capable de mener d'autres activités en dehors de l'école (aller acheter le pain, pratiquer un sport collectif...). Cependant, dans certains cas, la phobie scolaire peut évoluer en phobie sociale.

Avant de partir à l'école, il manifeste vivement son angoisse, sa panique :

  • Par des réactions psychosomatiques : sueurs, nausées, maux de ventre, de tête... Il lui arrive de se servir de ces réactions comme d'une excuse pour ne pas partir.
  • Il exprime oralement sa peur. Il n'est pas possible d'avoir une discussion rationnelle avec lui. Parfois, il tente de justifier son refus (moqueries, enseignant peu apprécié, ...). Il promet d'aller à l'école le lendemain, et se calme directement lorsqu'on l'autorise à rester à la maison, mais recommence la même chose le jour suivant.
  • Si on le force à partir, il pleure, crie, peut devenir violent envers sa famille, qui se trouve désemparée devant ses réactions.

A l'école :

  • Il manifeste les mêmes réactions psychosomatiques que celles citées ci-dessus.
  • Il va se réfugier dans un endroit plus "neutre" (infirmerie, cantine, toilettes...) et/ou refuse d'entrer en classe. Il peut aussi essayer de s'échapper.
  • Il fait semblant de partir à l'école mais ne s'y rend pas, ou n'arrive plus du tout à quitter la maison. Son absentéisme devient chronique.

La phobie scolaire peut se déclencher subitement. Elle débute fréquemment aux âges suivants :

  • Autour de l'entrée au CP, vers 6-7 ans.
  • A l'entrée en sixième, vers 10-11 ans, avec un autre pic en quatrième.

Pourquoi un enfant développe t-il une phobie scolaire?

Il n'y a pas qu'une seule explication au refus scolaire. Les facteurs déclenchants sont très variés.

Il peut s'agir d'une origine liée au contexte : un événement déclencheur empêche l'enfant de revenir à l'école (déménagement, harcèlement, deuil dans la famille...). Mais ce n'est pas forcément le cas. Dans d'autres cas, l'enfant a toujours eu en lui des angoisses, une certaine fragilité qui aboutissent à une phobie scolaire.

En effet, certains facteurs peuvent être propices au développement d'une phobie scolaire :  par exemple, la majorité des phobies scolaires au primaire (entre 5 et 7 ans) sont liées à des angoisses de séparation. Soit parce que l'enfant trouve du réconfort et de l'apaisement au sein de sa famille, soit parce qu'il ne veut pas laisser un membre de sa famille seul (peur qu'il lui arrive un malheur).

Dans les phobies scolaires adolescentes, les causes sont plus nombreuses et les mécanismes plus complexes. Il peut s'agir (liste non exhaustive) :

  • de la gestion même des sentiments au passage à l'adolescence : à ce moment l'élève est plus fragile, se pose davantage de questions, doit gérer des sentiments nouveaux, sa façon de raisonner évolue, sa relation avec sa famille également...
  • d'un individu qui a toujours plus ou moins ressenti des angoisses, du stress, qui est fragile. Dans d'autres cas, la dépression peut entraîner une phobie scolaire.
  • d'une peur de l'échec. Certains élèves s'investissent beaucoup dans leur scolarité jusqu'à "craquer". Il a été démontré un lien entre phobie scolaire et valorisation des études, que ce soit au niveau familial ou au niveau sociétal. Par exemple, au Japon où l'exigence est très forte, les phobies scolaires sont plus fréquentes qu'en France. C'est aussi une explication du "pic" de phobies à l'entrée en sixième, où la famille attend de l'enfant de prendre davantage de responsabilités, de gagner en autonomie. Cette première année de collège est souvent vue comme une "étape" très importante dans les familles : "tu verras, quand tu seras en sixième, tu ne pourras plus faire ça!". Cela explique également que les élèves qui n'ont pas de difficultés scolaires et aiment l'école puissent développer une phobie scolaire.
  • d'une peur du regard et du jugement des autres, ou l'impression d'être trop différent : dans le cas d'un harcèlement scolaire par exemple, ou si l'élève pense qu'il ne "rentre pas dans le moule".
  • d'une angoisse de séparation, tel qu'évoqué plus haut, ou d'un événement traumatisant.

Comment aider l'élève à sortir de son refus scolaire?

Même si cela est plus facile à dire qu'à faire, il faut en priorité inciter l'élève à revenir à l'école le plus vite possible. En effet, plus l'élève attend ou reste à la maison, plus le retour sera difficile, d'autant plus que la vie à la maison présente vite des attraits (se lever à l'heure que l'on veut, pas de devoirs à faire, ...).
La phobie scolaire doit être traitée rapidement pour éviter qu'elle ne s'aggrave (déscolarisation, phobie sociale), le plus souvent par le biais d'une psychothérapie. Celle-ci a pour but d'aider l'individu à affronter sa peur plutôt qu'à la fuir.
Il est alors très important que la famille, les thérapeutes et les enseignants puissent se rencontrer pour avoir un dialogue constructif sur les aides à apporter à l'enfant. Les aides et le cadre d'accompagnement pourront être notés dans un PAI (Projet d'Accueil Individualisé).

Au niveau de l'école, l'équipe pédagogique discute avec la famille des modalités d'accueil de l'élève et/ou d'un retour progressif de l'enfant pour que la transition se fasse le plus en douceur possible : l'élève peut choisir le temps sur lequel il vient à l'école (en essayant de rallonger petit à petit ce moment), le lieu (arriver jusqu'à la grille de l'école, rentrer dans la cour, accepter de rentrer dans la classe...). Il est aussi important de discuter avec les autres élèves de ce qu'est la phobie scolaire : certains peuvent ne pas comprendre pourquoi un élève a le droit de choisir quand venir à l'école, et pas eux. Cela leur permet aussi d'ajuster leur comportement avec l'élève.

En revanche, le fait de changer d'école ou que l'élève suive des cours par correspondance ne semblent pas des solutions permettant à l'enfant de vaincre sa phobie scolaire.

Pour aller plus loin...

Quelques livres sur le sujet :

Ecole : quand la phobie prend le dessus, Association Phobie Scolaire, éditions Josette Lyon (2016)

Phobie scolaire : comment aider les enfants et adolescents en mal d’école? Marie-France Le Heuzey, Marie-Christine Mouren, Editions Josette Lyon (2008)

Et sur Internet :