Du fait de son fonctionnement cognitif et psychoaffectif différent, l'élève "surdoué" peut désarçonner, par ses capacités, ses difficultés ou son comportement (voir épisode 1). Dans certains cas, il peut se trouver dans une situation de refus scolaire et/ou de souffrance psychologique profonde. Bien sûr, la précocité intellectuelle n'explique pas tout, ne justifie pas tout. Mais elle offre un éclairage sur certains comportements ou difficultés en classe (voir épisode 2). Ce n'est pas parce que leur quotient intellectuel est supérieur à la norme que ces enfants n'ont pas besoin d'aide. Au contraire, selon l'Éducation nationale, ils font partie des "élèves à besoins éducatifs particuliers". Nous allons donc nous pencher ici sur les différentes manières d'accompagner en classe ces élèves à besoin éducatifs particuliers.

Quelles sont les pistes concrètes pour les accompagner en classe ?

La présence d'EIP dans notre classe ou de tout autre élève à besoins éducatifs particuliers nous rappelle que chacun progresse à son propre rythme, avec son propre style d'apprentissage, son propre rapport au savoir, sa propre culture. Faire varier les modalités pédagogiques pour permettre aux EIP de progresser et de rester motivés bénéficiera à TOUS les élèves de la classe de manière générale.

Des démarches pédagogiques et méthodologiques

Voici un liste d'aménagements possibles, à choisir et à combiner en fonction des élèves concernés et de leurs difficultés.

La différenciation des contenus et des activités

Cela revient à appliquer le principe d'équité plutôt qu'égalité, en proposant à l'élève précoce, lorsque cela est possible : moins d'écrit, moins d'exercices répétitifs, des exercices plus abstraits, plus complexes, plus interdépendants, plus variés en termes de profils d'apprentissage (visuels, auditifs, kinesthésiques). On peut aussi mettre en place des plans de travail personnalisés dans certaines disciplines. Lorsqu'un haut potentiel dans un domaine s'accompagne de difficultés dans d'autres matières, le temps gagné dans le domaine d'excellence peut être utilisé pour remédier aux difficultés rencontrées ailleurs (pour en savoir plus sur les plans de travail, lisez l'article "Travailler autrement aux cycles 2 et 3").

Les projets autonomes

Ces projets permettent à l'élève précoce de travailler à des productions originales afin de cultiver ses centres d'intérêt, d’en illustrer sa compréhension ou de montrer les savoir-faire acquis. Ces projets peuvent porter sur un sujet présent dans les programmes (on parle alors d'approfondissement) ou bien sur un sujet hors-programmes (on parle alors d'enrichissement. Vous trouverez sur le site Pedagonet une liste de propositions d'enrichissements). Ils lui permettent d'améliorer sa persévérance, son autonomie, sa gestion du temps et du matériel. Ces projets peuvent prendre des formes diverses : travaux manuels, pièce de théâtre, vidéo, exposés, créations plastiques ou technologiques, etc. Ce travail peut s'effectuer seul ou à plusieurs pour développer la coopération.

La méthodologie

L'élève précoce peut avoir besoin d'un soutien méthodologique pour : apprendre à gérer son temps (usage d'un Time Timer) et ses affaires de classe, à se concentrer, à se relire, à se corriger (grille de relecture), à ordonner et synthétiser ses idées, à expliciter ses réponses, à faire des choix, à acquérir des stratégies d’apprentissage et de mémorisation.
Dans le cadre de projets autonomes ou de recherches personnelles, on peut doter les élèves d'une méthodologie pour les aider à les réaliser : choisir le sujet, sélectionner les questions, planifier les étapes et définir une échéance, choisir les sources, définir la forme finale.

Les ateliers

Les ateliers permettent à l'élève précoce de s'impliquer dans une démarche coopérative. Il y apprend à expliciter ses idées et à accepter celle des autres. De plus, en confrontant ses modes de pensée avec ceux de ses camarades, il élargit ses points de vue et découvre de nouvelles méthodes de travail et de résolution de problème (pour en savoir plus sur les ateliers, lisez l'article "Travailler autrement aux cycles 2 et 3").

L'explicitation des objectifs

L'enfant précoce pense de manière globale (voir l'article n°1 sur les EIP). Avoir connaissance de l'objectif final d'une séance ou d'une séquence lui permettra d'en comprendre le sens global et la nécessité des différentes étapes intermédiaires. Sa curiosité et son envie de surmonter le défi seront aiguisés. Par exemple, en maths, on peut présenter un problème dans son ensemble, puis aborder chacune des connaissances à maitriser pour le résoudre. Ou bien en Histoire, on peut survoler l'ensemble d'une période avant d'en étudier les différents éléments chronologiques.

Le tutorat entre élèves

En même temps qu'elle répond aux besoin d'élèves en difficulté, cette démarche d'apprentissage aide l'enfant précoce à s'intégrer et à construire des relations avec les autres élèves à travers des échanges duels. Par ailleurs, l'enfant précoce apprend à reformuler son savoir et à expliciter des processus de réalisation d'une tâche.

Quelques idées d'outils pour motiver les élèves précoces

Les cartes mentales et les "sketchnotes" pour développer le sens visuel

Parmi les caractéristiques de l'enfant précoce, on trouve la pensée en arborescence, l'esprit de synthèse et la mémoire "photographique". Autant dire que les modes de représentation et d'organisation des idées tels que la carte mentale sont particulièrement adaptés dans leur cas (pour en savoir plus sur les cartes mentales, rdv sur l'article "Les cartes mentales à l'école"). Moins connues mais tout aussi utiles : les "sketchnotes", qui nous viennent des pays anglo-saxons. Ce mode de représentation d'une trace écrite allie dessins, schémas, graphismes et texte colorés. Voilà une manière ludique de réconcilier certains élèves avec l'écriture et d'exploiter leur capacité à dessiner (vous trouverez quelques exemples sur Pinterest et sur Google).

Le portfolio pour valoriser les compétences

Un portfolio permet à l'élève de consigner ses travaux personnels témoignant de ses intérêts, ses talents et de ses compétences. On peut proposer à l'élève d'organiser son portfolio de différentes manières : par thèmes, par disciplines ou bien par types d'intelligence. C'est notamment ce que propose Thomas Armstrong, un pédagogue américain (voir bibliographie) avec le "portfolio à intelligences multiples" (sans qu'il soit nécessaire par ailleurs de rentrer dans cette démarche d'enseignement). Voici quelques exemples de productions classées en fonction des différences intelligences :

  • Intelligence verbo-linguistique : rédactions, énigmes inventées...
  • Intelligence logico-mathématiques : problèmes de logique résolus, jeux de stratégie inventés...
  • Intelligence visuo-spatiale : photos de maquettes, cartes mentales, vidéos...
  • Intelligence musicale-rythmique : enregistrements musicaux, chants composés...
  • Intelligence corporelle-kinesthésique : photos d'objets réalisés, vidéo de performances physiques...
  • Intelligence intrapersonnelle : inventaire des champs d'intérêts, auto-évaluations...
  • Intelligence sociale : travaux de groupe...
  • Intelligence naturaliste : dessin de plantes ou d'animaux, recettes de cuisine inventées...

Les outils informatiques pour changer de support

Dans son rapport ministériel, Jean-Pierre Delaubier conseille d' "utiliser systématiquement les technologies modernes de l’information et de la communication pour placer l’élève en position de recherche ou d’apprentissage au-delà des programmes". Que ce soit pour alléger la tâche d'écriture, pour mener un projet personnel ou encore pour constituer son portfolio ou créer des cartes mentales, les outils informatiques seront les plus à même d'attiser leur intérêt et de répondre à leur curiosité.

Un accompagnement relationnel

Chez l'enfant précoce, l'affectivité est très prégnante et ses résultats peuvent varier sensiblement d'une année sur l'autre, en fonction de la manière dont il perçoit l'école, mais aussi de ses relations avec ses enseignant(e)s et ses camarades.

La mise en place d'un cadre bienveillant et ferme

Il est important que l'élève précoce, très sensible à l'injustice, comprenne que les règles de fonctionnement de la classe sont valables pour tous les élèves et non pas spécifiquement établies contre lui. Mais il a également besoin de savoir qu'il peut s'adresser aux enseignant en toute confiance. Il vaut mieux lui répondre avec empathie, même si cela n'est pas toujours facile ;)
Avec l'élève précoce présentant des problèmes de comportement, on peut aussi mettre en place un contrat de comportement.

Le droit à la différence et à l'erreur

L'enfant précoce est conscient des décalages qui existent entre lui et ses camarades. Mais il est important de lui rappeler qu'il n'est pas le seul à être différent et que ce n'est pas un problème. L'aider à identifier ses forces et ses faiblesses peut lui être très profitable. On pourra amener l'enfant précoce perfectionniste à plus de souplesse et d'indulgence envers lui-même et l'aider à prendre conscience que se tromper permet d'avancer.

L'aide à l'expression des sentiments

Lorsqu'une situation difficile se présente, on peut apporter un soutien à l'enfant précoce, hypersensible, en écoutant ce qu'il ressent, sans jugement ni minimisation des évènements. Cela l'aidera à identifier ses sentiments et à relativiser certaines situations.

Le développement de l'estime de soi

L'enfant précoce recherche fréquemment l'approbation et la relation duelle avec les adultes. Du fait de ses différences, il doute beaucoup et a besoin d'être rassuré sur ses compétences et de se sentir estimé, surtout s'il se sent peu reconnu par ses camarades.

L'aide à l'intégration et le travail sur le vivre ensemble

Afin d'éviter sa solitude, on peut encourager l'enfant précoce à se trouver un ou une partenaire dans la classe avec qui partager certains intérêts ou activités. Cela l'aidera à reprendre confiance et à aller vers les autres. L'enfant précoce peut parfois devenir le souffre-douleur de ses camarades. Pour éviter cela, il est important de travailler sur le "vivre ensemble" et l'acceptation des différences en classe. On peut aussi inviter l'enfant précoce à utiliser son sens de l'humour comme outil de communication ou dans les moments compliqués (voir notre article sur le harcèlement scolaire).

Quels sont les dispositifs prévus par l'Éducation nationale ?

Même si le Canada ou la Belgique semblent plus en avance que la France, la question de la précocité est apparue dans les textes officiels depuis quelques années. L'Éducation nationale prévoit des personnes vers lesquelles se tourner et des dispositifs de prise en charge. De plus, les enseignant(e)s ayant dans leur classe un élève intellectuellement précoce ont à leur disposition sur Eduscol un module de formation à cette problématique.

A qui s'adresser ?

Psychologue scolaire du réseau d'aide, médecin scolaire

Outre le fait que le psychologue scolaire peut aider à l'identification d'un élève précoce, il est également un allié pour mettre en place des adaptations en classe et/ou dans l'école. Dans le cas de troubles associés (dépression infantile, trouble dys, TDAH), il est possible de faire appel au médecin scolaire.

Le maitre E et le maitre G du du réseau d'aide

Afin d'accompagner l'élève précoce sur le plan des apprentissages, on peut faire appel au maitre E. Le maitre G peut aussi apporter son aide sur le plan méthodologique et le travail sur la posture d'élève.

Le référent académique

Dans chaque académie, il existe un référent EIP. Il a pour mission de sensibiliser et de conseiller les équipes éducatives dans la mise en place d'actions en faveur des EIP. Il peut également répondre aux questions des familles qui feraient appel à lui.

Les autres professionnels (extérieurs)

Selon les besoins spécifiques de l'EIP, un accompagnement extérieur est parfois recommandé : soutien psychologique, psychomotricité, orthophonie, neuropsychologie… Ces suivis peuvent être effectués par un praticien libéral ou en centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP), centre médico-psychologique (CMP), centre médico-psycho-pédagogique (CMPP), service hospitalier...

Quels dispositifs prévoient les textes ?

PPRE ou PAP

Dans la circulaire de rentrée de 2014, il est écrit "Les EIP bénéficient des aménagements pédagogiques nécessaires. S'ils éprouvent des difficultés, un programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) peut être mis en place. S'ils présentent également des troubles des apprentissages, ils peuvent bénéficier du plan d'accompagnement personnalisé (PAP), qui organise les aménagements qui leur permettent d'entrer dans une dynamique de réussite scolaire". Ces documents présentent, en outre, l'avantage de laisser une trace dans le dossier de la prise en compte de la précocité de l'enfant et de faciliter la continuité de sa prise en charge, notamment lors d'un changement d'école ou du passage au collège.

Le saut de classe

Dans le dossier d'Eduscol sur la scolarisation de EIP, il est indiqué que le saut de classe ne doit pas être une solution systématique mais qu'il peut être envisagé lorsque les autres dispositifs pédagogiques (différenciation, décloisonnement, etc) ont été expérimentés. Cette accélération de parcours concerne la plupart du temps les élèves dont les performances scolaires sont remarquables. Mais le saut de classe peut également être proposé, dans certains cas à des EIP peu performants, qui par ennui, se sont peu à peu désinvestis des apprentissages. Il peut jouer un rôle de remotivation et permettre de travailler sur le goût de l'effort. Quoi qu'il en soit, le saut de classe relève d'une décision de l'équipe (conseil de cycle) et se prépare en amont et en aval par un accompagnement de l'élève sur les plans pédagogique, méthodologique et psychologique.

En bref, le but est d'en faire des élèves autonomes dans leurs apprentissages, qui s’adaptent et s’intègrent à l’environnement scolaire, conscients de leurs particularités et en paix avec eux-mêmes.

Bibliographie

  • Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante, Jean-Charles Terrassier, Editions ESF, 1981
  • Betts, G. T. & Neihart, M. (1988). Profiles of the Gifted and Talented. Gifted Child Quarterly, vol. 32 (2), pp. 248-253).
  • Pour une pédagogie de l'intelligence, Antoine de La Garanderie, Editions du Centurion, 1990
  • Les intelligences multiples dans votre classe, Thomas Armstrong, éditions Chenelières, 1999
  • L'enfant surdoué, Jeanne Siaud Facchin, Editions Odile Jacob, 2002
  • L'épanouissement de l'enfant doué, Sophie Côte, Dr Ladislas Kiss, Editions Albin Michel, 2009
  • 100 idées pour accompagner les enfants à haut potentiel, Dr Olivier Reval, Roberta Poulin, Dorris Perrodin, Editions Tom Pousse, 2015
  • Et si elle était surdouée ? Un guide pour sensibiliser les parents, les enseignants et les autorités scolaires, Dorris Perrodin-Carlen, Editions SZH/CSPS, 2015
  • L'enfant doué, l'intelligence réconciliée, Arielle Adda, Hélène Catroux, Editions Odile Jacob, 2016

Sitographie